Décembre 2014 – Le pronostic d’un mélanome dépend essentiellement de son épaisseur (ou indice de Breslow) mesurée lors de l’examen anatomopathologique (biopsie) de la tumeur enlevée chirurgicalement. Les mélanomes de moins de 1 mm sont de très bon pronostic tandis qu’à l’opposé ceux de 4 mm ou plus ont un risque élevé d’évolution défavorable. Pour les tumeurs d’épaisseur intermédiaire, les métastases (localisation à distance de la tumeur) ganglionnaires sont à craindre. Elles sont parfois décelables par l’examen clinique ou lors du bilan d’imagerie, conduisant à faire un curage ganglionnaire qui consiste à enlever tous les ganglions dans l’aire correspondant au mélanome (aine pour un mélanome du membre inférieur par exemple). Mais elles peuvent aussi être indétectables, bien que déjà présentes sous forme de micro-métastases. Il est alors proposé de réaliser une biopsie du ganglion sentinelle, c’est-à-dire du ganglion principal dans l’aire ganglionnaire concernée. Si cette biopsie est positive c’est-à-dire révèle des métastases, là encore, un curage est effectué.
Entre le moment où est enlevé le mélanome et celui où cette biopsie du ganglion sentinelle est réalisée, il y a nécessairement un délai plus ou moins long. Il est généralement recommandé qu’il ne dépasse pas 6 semaines. Mais a contrario une étude a montré que diminuer le délai à moins de trois semaines pouvait être aussi défavorable pour l’évolution.
Alors y a-t-il un délai optimal à respecter ? Pour le savoir, une équipe de dermatologues des Pays-Bas a repris les dossiers de 928 patients ayant eu une biopsie du ganglion sentinelle positive dans un des 9 centres impliqués dans l’European Organization for Research and Treatment of Cancer Melanoma Group (EORTC-MG) et pour lesquels on connaissait la date de l’intervention initiale d’ablation du mélanome.
L’épaisseur de ces mélanomes était en valeur médiane de 3 mm. L’intervalle entre l’ablation et la biopsie du ganglion sentinelle avait été en médiane de 37 jours (5,3 semaines) mais pour 26 % des patients il avait été de 8 semaines ou plus.
Il est à nouveau constaté que le taux de survie sans manifestations en rapport avec le mélanome (Melanoma Specific Survival ; MSS) a été moins bon parmi les malades qui avaient eu la biopsie du ganglion sentinelle dans les deux semaines après la première intervention : de 66 % contre 70 % quand la biopsie avait été faite après 2 semaines. En revanche on ne retrouve pas de différence significative lorsque le délai a été de 3 semaines ou de 6 semaines et plus.
Si l’on y regarde de plus près, on observe que les patients dont la biopsie a été pratiquée précocement (dans les trois semaines après l’intervention) avaient plus souvent une tumeur plus épaisse (3,75 mm en médiane) et qui était ulcérée dans 56 % des cas (un autre facteur de mauvais pronostic) alors qu’en cas de délai de plus de 3 semaines, l’épaisseur médiane était de 2,6 mm et l’ulcération présente dans 39 % des cas seulement. Ceci explique le plus mauvais pronostic global des patients ayant eu une biopsie rapidement, justement probablement parce que atteints d’une tumeur plus grave ayant conduit le médecin a accélérer la biopsie du ganglion sentinelle.
Finalement, les résultats de cette étude montrent que le délai entre l’intervention d’ablation du mélanome et la biopsie du ganglion sentinelle n’a pas d’influence sur l’évolution. Il reste recommandé de ne pas prolonger ce délai ne serait-ce que pour ne pas augmenter l’anxiété des malades.
Dr Marie-Line Barbet
Ophuis CO et coll. pour l’EORTC-MG : Interval between excision and sentinel node biopsy does not affect melanoma specific survival. Communication au 34e Congrès de l’European Society of Surgical Oncology (ESSO). Liverpool. 29-31 octobre 2014