Août 2014 – Le mélanome est un exemple quasi unique de cancer dont la détection précoce peut conduire à un traitement curatif simple, c’est-à-dire à l’exérèse (ablation) chirurgicale qui se traduit par une guérison dans près de la totalité des cas. C’est pourquoi, les autorités de santé publique dans la plupart des pays encouragent le dépistage de ces tumeurs selon des stratégies plus ou moins bien établies.
L’intérêt d’un dépistage systématique de toute la population reste en effet controversé. Mais tous s’accordent à considérer que certains groupes de sujets ont un risque plus élevé de développer un mélanome et peuvent être désignés pour un dépistage « ciblé » : ceux à peau claire, victimes de coups de soleil dans l’enfance ou ayant vécu dans des pays à fort ensoleillement, présentant plus de 50 nævus (grains de beauté) ou des naevus atypiques, ayant des antécédents personnels ou/et familiaux de mélanome. Même dans ces cas cependant, les modalités pour une surveillance optimale ne sont pas fixées universellement.
Une étude récente s’est intéressée au suivi de patients à risque « extrêmement » élevé de mélanome soit parce qu’ils avaient eu un ou plusieurs mélanomes auparavant (9 fois plus de risque de nouvelle tumeur que dans la population générale), avaient parfois un ou des parents au premier degré ayant présenté un mélanome, ou qu’ils étaient porteurs d’une mutation sur les gènes CDKN2A ou CDK4, favorisant le développement de mélanomes.
Le dépistage de nouvelles lésions s’organisait ainsi : examen de la peau du corps entier tous les 6 mois avec l’aide du dermoscope (sorte de loupe éclairante et très grossissante qui permet de voir à travers la première épaisseur de l’épiderme) et complété par des photographies du corps entier ainsi qu’une dermoscopie digitale séquentielle pour les lésions suspectes (les images vues au dermoscope étant numérisées pour pouvoir être comparées aux images constatées 3 mois plus tard).
Sur les 311 patients ainsi examinés, 75 nouveaux mélanomes primitifs ont été détectés sur une période médiane de suivi de 3,5 ans. Trente-huit pour cent de ces tumeurs ont été dépistées exclusivement ou avec l’aide de la photographie corps entier et 39 % exclusivement ou avec l’aide de la dermoscopie digitale séquentielle. Dans 16 % des cas, le diagnostic de mélanome avait été suspecté (et confirmé ultérieurement) grâce au seul examen clinique avec dermoscope sans que des modifications ne soient notées sur les photographies corps entier ou la dermoscopie digitale séquentielle. Enfin, 8,2 % des mélanomes ont été détectés par le patient lui-même.
Il faut noter que 90 % des mélanomes dépistés lors de ce suivi étaient de très faible épaisseur (moins de 1 mm) et donc pouvaient être traités par la chirurgie seule. Les 5 tumeurs plus épaisses étaient atypiques (nodulaires, non pigmentées, à croissance rapide) dont deux avaient été reconnues par le malade lui-même. Enfin cette surveillance a également permis le diagnostic de nombreux autres cancers de la peau non mélanique.
Au total, les résultats de cette étude montrent l’intérêt d’associer les méthodes de dépistage pour le suivi des patients à très haut risque de mélanome et soulignent la nécessité d’accroître encore la vigilance vis-à-vis des formes atypiques.
Commentant cette publication dans le JAMA dermatology, l’éditorial de C Halper va plus loin encore en proposant pour les patients à haut risque des programmes d’auto-dépistage comportant une télédermoscopie mobile…De plus grands efforts devant être faits, souligne-t-il, pour améliorer l’identification et la surveillance « technologique » des personnes à haut risque en attendant de nouvelles données sur le rapport bénéfices/risque et le coût d’un dépistage de masse.
Dr Marie-Line Barbet
Moloney FJ : Detection of primary melanoma in individuals at extreme high risk : a prospective 5 year follow-up study. JAMA Dermatol. 2014 ; publication avancée en ligne le 25 juin. doi: 10.1001/jamadermatol.2014.514.
Halpern C : Melanoma Surveillance in « High-Risk » Individuals. JAMA Dermatol. 2014 publication avancée en ligne le 25 juin. doi: 10.1001/jamadermatol.2014.513.