Janvier 2022 – Il est désormais possible, en utilisant les algorithmes de l’intelligence artificielle, de faire le diagnostic de cancer cutané avec un même niveau de performance qu’un dermatologiste. Des applications pour téléphone mobile ont d’ailleurs été créés à partir de ces algorithmes. Ainsi peut-on, à partir d’une simple photo sur le smartphone, obtenir au moins une évaluation du caractère bénin ou malin d’une lésion cutanée, et ceci n’importe où que l’on se trouve et à n’importe quel moment. En théorie un tel outil semble pouvoir apporter une grande aide dans la détection des cancers cutanés en particulier dans les pays (et ils sont nombreux) où il n’existe pas de dépistage systématique et où la fréquence de ces cancers ne cesse d’augmenter. La promesse de tels bénéfices a même conduit les assureurs (dans certains pays dont la France ne fait pas partie) à proposer un remboursement partiel de ces applis.
De la théorie à la pratique se pose néanmoins le problème non seulement de la valeur réelle de ces applications, mais aussi de leur acceptation et de leur utilisation par les populations les plus à risque de développer des cancers cutanés. Une étude aux Pays Bas (où certaines de ces applis sont prises en charge par les assurances) a montré que sur deux millions d’adules assurés, 1 % seulement avait recours aux applis santé, ce qui suggère que l’exploitation des applis dans un but de dépistage des cancers cutanés pourrait se heurter à quelques écueils.
Mais quelles sont ces barrières ? Toujours aux Pays-Bas, des affiliés d’un vaste système d’assurance âgés de 40 à 71 ans, certains n’ayant qu’une expérience limitée en matière d’appli santé, et des abonnés aux réseaux sociaux (plus jeunes entre 20 et 26 ans) mieux adaptés aux technologies « modernes » ont été invités à faire valoir leurs opinions et attentes sur l’utilisation d’applis pour le dépistage des cancers cutanés.
Au total cette enquête met en évidence plusieurs aspects négatifs : impression que les applications pour le dépistage des cancers cutanés n’ont pas d’intérêt et ne sont pas performantes, manque de confiance, préférence pour les consultations avec un médecin, crainte d’un manque de confidentialité, difficulté de navigation au sein de l’appli, présence de publicités, coût.
En revanche la possibilité de mesurer le risque de cancer cutané « à domicile », de surveiller les lésions suspectes, l’utilisation possible à tout âge est à mettre au crédit des applis. La « transparence » du développeur, le cautionnement par les professionnels de santé concernés (dermatologistes, généralistes) et le gouvernement, la simplicité d’utilisation, la possibilité de remboursement par les assureurs de santé sont revendiqués comme pouvant faciliter le recours aux applications pour le dépistage du cancer de la peau.
Bien sûr le type de réponse varie en fonction de l’âge des participants et de leurs habitudes en ce qui concerne la « santé connectée ». Transparence et performance semblent être les qualités essentielles requises, ce vers quoi vont certainement tendre les développeurs des prochaines applis lesquelles vont prendre une place de plus en plus grande dans la pratique médicale …On n’arrête pas le progrès…
Dr Marie-Line Barbet
Sangers TE et coll. : Views on mobile health apps for skin cancer screening in the general population: an in-depth qualitative exploration of perceived barriers and facilitators.
Br J Dermatol., 2021 Nov;185(5):961-969.
doi: 10.1111/bjd.20441.
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