Les cancers cutanés non mélanomes (CCNM) sont les plus fréquents des cancers dans le monde et il s’agit dans approximativement 80 % des cas de carcinomes basocellulaires (CBC) et dans 20 % des cas de carcinomes épidermoïdes, les autres formes comptant pour moins de 1 % des cas. Ces cancers apparaissent le plus souvent après 60 ans (80 % des cas), et le vieillissement de la population laisse augurer une augmentation régulière de leur prévalence.
La chirurgie reste le traitement habituel de ces cancers. Mais plusieurs autres options sont disponibles comprenant la radiothérapie, la photothérapie dynamique, la cryothérapie ou encore, pour certaines formes plus superficielles, l’application de crèmes à base d’imiquimod ou de 5 fluorouracile par exemple. Récemment de nouvelles immunothérapies et thérapies ciblées ont été mises au point pour le traitement de formes avancées de ces cancers qui sont au demeurant exceptionnelles.
Le taux de succès de ces différentes méthodes est variable avec pour chacune d’entre elles un risque de séquelles cicatricielles et d’autres effets secondaires. Les lasers peuvent-il alors représenter une alternative valable pour traiter certains carcinomes cutanés ?
On sait que les Lasers ont été de plus en plus utilisés en médecine et en particulier en dermatologie au cours des dernières décennies. Schématiquement il en existe de deux sortes : 1) les lasers ablatifs (qui peuvent enlever les tumeurs en les carbonisant) tels que les lasers à CO2 et 2) les lasers non ablatifs dont les rayons ciblent certains composants des tumeurs par exemple les vaisseaux ou l’hémoglobine dans les vaisseaux (Laser Nd: YAG ou Laser à colorant pulsé).
Les articles médicaux qui ont abordé les essais de traitement des CCNM par Laser font état de résultats variables. Une compilation de ces travaux (soit 32 études) a été réalisée qui permet d’y voir un peu plus clair, notamment en ce qui concerne la fréquence des récidives après un premier traitement et le risque d’effets secondaires.
Le Laser Nd: YAG (longueur d’onde 1 064 nm proche de l’infra-rouge) a été testé dans sept études regroupant près de 30 000 patients avec un carcinome basocellulaire (forme nodulaire ou superficielle le plus souvent). Le taux de récidive a été de 3 % sur près de 8 années de suivi. Des cicatrices, une hyperpigmentation (tache brune) ou une hypopigmentation (décoloration) ont été constatées dans en moyenne 3 % des cas.
Avec le Laser ablatif CO2 (longueur d’onde 10 600 nm) utilisé sur des carcinomes basocellulaires (là encore majoritairement nodulaires ou superficiels), dans 10 études (468 patients, 904 CBC), la situation semble moins favorable avec une récidive des cancers dans 9 % des cas sur deux ans. A titre d’exemple le taux de récidives après une chirurgie classique est de 2 %. Le risque d’effets secondaires semble en revanche assez limité.
Enfin le Laser à colorant pulsé (longueur d’onde à 585 ou 595 nm) a été évalué dans seulement quatre études (139 patients, 206 CBC) 1 à 4 séances étant réalisées. Le taux de récidive a été de 38 % sur 6 mois.
En ce qui concerne les carcinomes épidermoïdes, seuls les lasers Nd: YAG et CO2 ont été testés chez quelques patients sur des formes débutantes le plus souvent (maladie de Bowen) avec des taux de récidives de 10 % à 22 % respectivement.
La revue de l’ensemble de ces essais laisse penser que l’utilisation du Laser Nd :Yag peut être envisagée pour traiter des carcinomes basocellulaires « à faible risque » c’est-à-dire les CBC superficiels ou nodulaires de préférence sur le tronc ou les membres. Les Laser CO2 et à colorant pulsé exposent à des taux trop élevés de récidives pour être employés. Quant aux carcinomes épidermoïdes, généralement de moins bon pronostic que les CBC, ils ne paraissent pas être, dans l’état actuel des choses, une bonne indication des traitements par Laser.
Dr Marie-Line Barbet
Sharon E et coll. : Laser Treatment for Non‑Melanoma Skin Cancer: A Systematic Review and Meta‑Analysis. American Journal of Clinical Dermatology.