Juillet 2019 – Les transplantations d’organes, sont devenues, avec les progrès de la chirurgie et des traitements anti-rejet, des interventions de plus en plus fréquentes qui sont le plus souvent couronnées de succès d’autant que l’on sait désormais prévenir efficacement le rejet des greffes. Cependant ce traitement post greffe repose sur l’administration de médicaments « immunosuppresseurs » qui ont pour objectif de réduire les réactions immunitaires du patient receveur contre l’organe qu’on lui a transplanté et empêcher son rejet. Malheureusement, si l’on peut dire, cette baisse de l’immunité n’entraîne pas seulement une tolérance face au greffon : elle ouvre aussi plus largement la porte au développement des infections et probablement de certains cancers.
Les patients qui sont traités par immunosuppresseurs quelle qu’en soit la raison sont habituellement soumis à une surveillance régulière pour rechercher des carcinomes cutanés que l’on sait être particulièrement favorisés par ces traitements. Pour autant le risque de mélanome chez les malades greffés est mal connu.
Une récente étude menée aux Etats Unis s’est intéressée au risque de mélanome parmi les malades greffés du rein, les plus nombreux chez les patients transplantés. Au total elle a concerné 105 174 personnes qui ont reçu un rein entre 2004 et 2012 ; 488 d’entre elles ont eu un mélanome après l’intervention. Ceci correspond à une multiplication du risque par un facteur de deux à quatre par rapport à la population n’ayant pas eu de greffe. Les patients plus âgés, les hommes, les Blancs ont un risque plus marqué que les autres malades. Certains immunosuppresseurs (sirolimus, ciclosporine), augmentent aussi le danger. Il en est de même lorsque la greffe provient d’un donneur vivant.
Qu’en est-il des autres types de greffe ? Toujours aux Etats Unis, l’examen du registre des cancers entre 1987 et 2010 confirme une multiplication par plus de deux des cas de mélanome après une transplantation. Bien que tous les stades soient représentés, il s’agit plus souvent de mélanomes de stade 1 à 3 sans métastases à distance fréquemment situés sur la tête ou le cou. Comparé aux greffés rénaux, le risque de mélanome est plus faible chez les transplantés du foie et du poumon sans que l’on puisse donner une explication à ce phénomène.
Le risque de mélanome de stade 3 ou 4 (avec des métastases) augmente de façon marquée dans les 4 années après la transplantation alors que celui de mélanomes in situ (stade 0 très superficiel) reste constant, multiplié par 1,5 à 2 fois.
La mortalité liée au mélanome est trois fois plus élevée chez les transplantés. Le rôle des traitements immunosuppresseurs est corroboré chez les transplantés rénaux par la baisse du risque après un rejet de greffe, l’arrêt des immunosuppresseurs et le retour à l’hémodialyse. Enfin la transmission d’un mélanome du donneur au receveur est possible mais extrêmement rare.
Toutes ces observations incitent à la plus grande vigilance dans la surveillance de la peau après une greffe notamment rénale et à éviter et se protéger d’un autre facteur de risque qui est l’exposition aux UV.
Dr Marie-Line Barbet
Robbins HA. Melanoma Risk and Survival among Organ
Transplant Recipients. J Invest Dermatol 2015; 135: 2567-2665.
Ascha M. Risk Factors for Melanoma in Renal Transplant Recipients. JAMA Dermatol 2017; 153: 1130-1136.