Juillet 2018 – Le diagnostic des cancers à un stade où ils ne sont pas encore très développés garantit une meilleure efficacité de la prise en charge, ceci étant particulièrement vrai pour le mélanome où le traitement chirurgical précoce est pratiquement synonyme de guérison. Ces constatations ont conduit à mettre en place des campagnes de dépistage de certains cancers pour lesquels on dispose de méthodes de diagnostic et de traitement éprouvés. C’est le cas par exemple pour les cancers du sein ou encore du côlon : les programmes de dépistage concernent ici l’ensemble de la population dans certains groupes d’âge.
Le cadre du dépistage du mélanome fait encore débat. Il est en effet difficile de prouver qu’un dépistage « systématique » de toute la population aboutit à une diminution globale de la mortalité provoquée par ce cancer. Aussi les autorités de santé recommandent-elles dans la plupart des pays un dépistage « ciblé » sur les populations à risque telles les personnes à la peau claire, ayant de nombreux grains de beauté, ayant été victimes de nombreux coups de soleil dans l’enfance, ou encore les hommes de plus de 50 ans. Sur un plan statistique, démontrer le bénéfice de tels programmes pour l’ensemble de la population est malaisé, car le mélanome n’est finalement pas un cancer très fréquent et bien que toujours regrettable, le nombre de décès dus à cette tumeur reste peu élevé : ainsi en Norvège, pays d’Europe où la mortalité par mélanome est la plus élevée, le taux de décès par mélanome n’est « que » de 0,8 %.
Mais au-delà du problème de l’efficacité du dépistage et de celui, non négligeable, des coûts engendrés, il est légitime de se poser une question essentielle : quel en est l’impact psychologique ?
Comme tout dépistage, celui-ci comporte le risque de « surdiagnostic », c’est-à-dire le risque de détecter et d’opérer des tumeurs qui n’auraient pas évolué et le risque d’investigations (biopsies) inutiles. Ces écueils, largement évoqués pour le dépistage du cancer du sein et de la prostate par exemple, ont été beaucoup moins mis en avant pour les cancers de la peau, de même que le degré d’anxiété et de stress atteint pendant l’exploration cutané n’a guère été évalué.
Cependant, des dermatologues américains (Université de Pittsburgh) se sont penchés sur ces aspects du problème. Ils ont interrogés par téléphone 187 patients de plus de 35 ans vus en 2015 par des généralistes, dans le cadre d’un programme de dépistage des cancers cutanés. Quarante pour cent d’entre eux avaient été minutieusement examinés. Or il est apparu qu’ils n’en avaient pas conçu d’impressions négatives, se montraient aux contraire plus motivés que ceux qui avaient été moins bien « regardés » pour des auto examens mensuels et des examens annuels par un praticien. Mieux encore, ils étaient plus enclins à encourager leur entourage à la surveillance cutanée.
Cette petite expérience suggère donc que le dépistage du mélanome, quel qu’en soit le cadre, bien loin d’accroître l’anxiété des patients est finalement propre à les rassurer et même inciter à adopter des attitudes de prévention adaptées.
Cela ne résout pas la question de l’efficacité d’un dépistage global de la population mais écarte au moins le risque de conséquences psychologiques néfastes.
Dr Marie-Line Barbet
Halvorsen JA : Why a randomized melanoma screening trial is not a good idea. Br J Dermatol., 2018 publication avancée en ligne le 12 juin. doi: 10.1111/bjd.16784.
Risica PM et coll. : Psychosocial consequences of skin cancer screening. Prev Med Rep., 2018; 10:310-316. doi: 10.1016/j.pmedr.2018.04.011.