Traitement du mélanome par immunothérapie : et si le succès venait (en partie) de l’intestin ?

Mar 10, 2016

Février 2016 – Il existe « naturellement » dans le tube digestif un grand nombre de micro-organismes (bactéries, champignons, virus…) avec lesquels nous vivons en bonne intelligence et qui sont même nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme. Les propriétés de l’ensemble de ces agents microbiens, appelé flore intestinale (ou de façon plus moderne) microbiote font l’objet de recherches partout dans le monde. Il semble en effet de plus en plus que les perturbations du microbiote soient impliquées dans de nombreux problèmes de santé et que de la qualité du microbiote dépende la qualité des défenses immunitaires.


Un des traitements récents du mélanome malin au stade avancé (c’est-à-dire avec des métastases) est l’immunothérapie qui consiste à stimuler le système immunitaire pour le rendre capable de combattre les cellules tumorales. Ainsi, l’ipilimumab, l’un des premiers médicaments de ce type testés dans le mélanome bloque une molécule (CTL-4) présente à la surface des lymphocytes (cellules très importantes dans les mécanismes de défenses immunitaires) et qui les empêche de proliférer et de tuer les cellules cancéreuses.

L’ipilimumab donne de bons résultats dans le traitement des mélanomes « avancés » avec globalement un allongement de la survie des malades. Cependant tous les patients ne semblent pas tirer le même bénéfice du traitement et beaucoup souffrent, parmi les effets secondaires, de problèmes intestinaux (colite inflammatoire).

Et c’est là que le microbiote intervient

Des chercheurs en immunologie de l’institut Gustave Roussy (IGR), de l’institut Pasteur de Paris et de Lille ont en effet découvert à partir d’expériences menées chez la souris que l’absence, dans le microbiote, de deux bactéries (Bacteroides thetaiotaomicron et Bacteiroides fragilis) rendait l’ipilimumab inefficace. A l’inverse, la réintroduction de ces bactéries restaure la « réponse » thérapeutique à l’ipilimumab et améliore les symptômes de colite inflammatoire.

Ces données obtenues chez l’animal sont confortées par les premiers résultats d’une étude menée par le Pr Caroline Robert  (chef du service de dermatologie à l’IGR) et le Pr Franck Carbonier (chef du service de gastro-entérologie de l’hôpital Bicêtre) qui montrent que l’efficacité de l’immunothérapie est conditionnée par la composition du microbiote intestinal.

De telles constatations ont potentiellement plusieurs conséquences : élaboration d’un test qui à partir de l’analyse de la flore intestinale permettrait de juger de l’efficacité à attendre du traitement, utilisation des bactéries identifiées comme traitement « adjuvant » pour stimuler la réponse à l’immunothérapie.

Ajoutons que d’autres chercheurs, américains cette fois,  ont mis en évidence l’implication d’autres bactéries dans l’efficacité d’une autre immunothérapie utilisée dans le mélanome malin avancé : le nivolumab, qui bloque un autre récepteur des lymphocytes (Program death receptor PD-1). Une preuve s’il en est de l’intérêt à accorder aux micro-organismes de l’intestin dans la prise en charge du mélanome…

Dr Marie-Line Barbet

Vétizou M et coll. : Anticancer immunotherapy cy CTLA-4 blockade relies on the gut microbia. Science. 2015; 350:1079-84. doi: 10.1126/science.aad1329.
Sivan A et coll. : Commensal Bifidobacterium promotes antitumor immunity and facilitates anti-PD-L1 efficacy. 2015; 350:1084-9. doi: 10.1126/science.aac4255.