Combien de nævus peuvent-ils devenir des mélanomes ?

Jan 20, 2016

Janvier 2016 – La présence sur le corps de nombreux nævus, qu’ils aient un aspect banal ou atypique (asymétrie, bordure irrégulière, couleur non homogène) est reconnue comme augmentant le risque d’avoir un mélanome malin. Pour autant, la proportion des nævus « bénins » susceptibles de devenir des mélanomes malins est mal précisée : dans les études menées sur ce sujet et se basant pourtant sur l’analyse au microscope (histologie) des lésions, elle varie de 4 à 72 % ! Si l’on se fie aux patients victimes d’un mélanome malin, les réponses sont également très variables puisque le taux de ceux qui se souviennent avoir eu un nævus à l’endroit où s’est développée leur tumeur va de 18 à 85 %.


Définir le pourcentage de mélanomes apparus sur des nævus et le type de patients plus fréquemment concernés par cette situation n’est pas sans intérêt pour affiner les stratégies de surveillance des personnes à haut risque.


C’est pourquoi une équipe de dermatologistes a entrepris une étude sur 832 patients « à haut risque », surveillés régulièrement dans leur centre avec un examen en dermatoscopie de tous leur nævus, photographie du corps entier et numérisation des images observées pour permettre la comparaison d’une consultation à l’autre.

Ils se répartissaient en trois groupes selon l’importance de leur « haut risque » : ceux qui avaient plus de 50 nævus mais pas plus de 3 nævus atypiques (groupe avec le plus « faible » risque), ceux qui avaient au moins 50 nævus banals mais plus de trois nævus atypiques et enfin ceux porteurs de plusieurs nævus atypiques et dont la famille comptait des personnes apparentées au premier ou second degré ayant été atteintes de mélanome malin avec également des nævus atypiques (définissant le FAMM syndrome : syndrome des mélanomes atypiques familiaux).

Pendant tout le suivi de ces patients, du 1er avril 1997 au 31 mai 2012, 1 770 lésions suspectes ont été enlevées chirurgicalement. Cent quatre-vingt-dix se sont révélées être effectivement des mélanomes. La plupart étaient de bon pronostic car de faible épaisseur. L’analyse histologique a découvert, associés à la tumeur, des restes de nævus dans 54,2 % des cas. La plupart de ces mélanomes apparemment développés à partir de nævus étaient situés sur le tronc (65 %). Curieusement ils ont été retrouvés bien plus fréquemment chez les patients classés dans le groupe ayant le plus faible risque et bien moins souvent chez ceux qui avaient déjà eu un ou plusieurs mélanomes (en particulier avec des antécédents familiaux). Les patients avec ces mélanomes associés à des nævus étaient en général plus jeunes et leur tumeur très peu développée (mélanome in situ).


Au total, cette étude semble suggérer que chez des sujets à haut risque présentant plus de 50 nævus mais peu de nævus atypiques et n’appartenant pas à une famille touchée par le FAMM, plus de la moitié des mélanomes se forment à partir de nævus préexistants, en particulier sur le tronc et chez les personnes jeunes. Cet élément est à considérer dans la surveillance de ces patients.

Dr Marie-Line Barbet

Haenssle HA et coll. : Association of patient risk factors and frequency of naevus-associated cutaneous melanoma. JAMA Dermatol., 2015 Nov 4:1-8. doi: 10.1001/jamadermatol.2015.3775