Novembre 2021 – La prise en charge des mélanomes cutanés a connu de grandes avancées au cours de la dernière décennie. Les traitements ciblés pour les tumeurs présentant certaines mutations (sur le gène BRAF) et l’immunothérapie avec des inhibiteurs de check point immunitaire se sont ainsi montrés capables de prolonger la survie de patients atteints de mélanomes métastatiques non opérables de stade III (métastases à proximité de la tumeur initiale c’est-à-dire locorégionales) ou de stade IV (métastases à distance).
Récemment, ces mêmes traitements ont été proposés pour les patients atteints de mélanomes de stade avancé (stade III/IV) ayant pu être traités chirurgicalement, dans le but de prévenir la récidive et bien sûr de prolonger la vie. L’intérêt de ces traitements dits « adjuvants » a été testé dans plusieurs grandes études qui ont montré un allongement du délai avant l’éventuelle récidive de la tumeur grâce à la prise, pour les tumeurs avec mutation, d’un traitement ciblé (le plus souvent avec une association de deux molécules dabrafenib et trametinib de préférence à une seule de type vemurafenib) ou à base d’immunothérapie (notamment antiPD-1 tels que le nivolumab ou le pembrolizumab).
Bien que ces résultats aient conduit à modifier complètement la prise en charge des mélanomes de stade III opérables, la question se posait encore de savoir quoi proposer en cas de rechute après la prise d’un traitement adjuvant. L’examen « rétrospectif » des dossiers de patients laisse à penser que le taux d’efficacité d’une nouvelle immunothérapie en cas de récidive est élevé, les choses sont beaucoup moins claires quant à l’effet d’une nouvelle thérapie ciblée.
Des dermatologistes cancérologues ont analysé les cas de 85 malades (dont 48 hommes et 37 femmes, âgés de 22 à 74 ans ; âge médian 47 ans) venant de tous horizons, Australie, Europe, Etats-Unis, opérés d’un mélanome de stade III/IV (avec mutation sur le gène BRAF) et qui ont été victimes d’une rechute dans un délai médian de 18 mois après un traitement adjuvant par thérapie ciblée (une ou deux molécules combinées). La rechute est survenue pour 19 pendant le traitement et pour les 66 autres après l’arrêt du traitement adjuvant. Un traitement ciblé ou une immunothérapie a été alors administrée à 68 d’entre eux (80 %) mais les résultats n’en sont évaluables que pour 58 patients. Le taux de « réponses » favorables a été globalement de 63 % avec l’immunothérapie (anti-PD 1) et de 25 % avec une thérapie ciblée.
Soixante et onze pour cent des patients sont en vie deux ans après cette rechute.
Ainsi cette étude suggère que les malades qui récidivent malgré un traitement adjuvant, restent sensibles à une reprise de l’immunothérapie et y répondent comme s’il s’agissait d’un premier traitement. Par ailleurs les traitements ciblés ne compromettent pas non plus l’efficacité d’une immunothérapie ultérieure. Le choix d’un traitement par anti -PD1 pour une récidive semble plus approprié que la (re)prise d’un traitement ciblé ou l’administration d’ipilimumab seul (10 % de réponses…). Le recours aux traitements adjuvants devenant de plus en plus fréquent pour les mélanomes à risque, on disposera certainement dans un proche avenir de nouvelles données qui permettront de mieux préciser encore la prise en charge d’éventuelles récidives.
Dr Marie-Line Barbet
Bhave P et coll. : Melanoma recurrence patterns and management after adjuvant targeted therapy: a multicentre analysisBr J Cancer.,. 2021 Feb;124(3):574-580.
doi: 10.1038/s41416-020-01121-y.