Mai 2021 – Le carcinome épidermoïde cutané (CEC) est le deuxième cancer de la peau en terme de fréquence. Lorsqu’il est diagnostiqué à un stade de début, il est de très bon pronostic, l’intervention chirurgicale conduisant à la guérison dans un très grand nombre de cas. Parfois malheureusement, le diagnostic est fait trop tard avec une évolution moins favorable : atteinte de la peau autour de la lésion et des tissus sous cutanés proches, métastases dans d’autres organes. La chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie classique sont souvent impossibles à tenter ou sont inopérantes pour ces formes dites « avancées ».
Récemment une nouvelle option a été proposée pour ces carcinomes évolués : il s’agit du cemiplimab (Libtayo ®). Ce médicament fait partie des nouvelles immunothérapies développées au cours de la dernière décennie en cancérologie : ces traitements agissent sur le système immunitaire des malades afin de les aider à éliminer leur tumeur
C’est le seul médicament approuvé dans l’Union européenne (UE) pour le traitement du carcinome épidermoïde cutané (CEC) compliqué de métastases ou localement avancé chez des patients pour lesquels ni la chirurgie ni la radiothérapie ne sont envisageables ou capables de traiter efficacement la tumeur.
L’approbation de l’EMA (Agence européenne des médicaments) repose sur les résultats de trois études de phase I/II menées chez des patients atteints de CEC localement avancé ou métastatique : ces dernières ont montré que le traitement par cemiplimab donnait des résultats favorables pour la moitié des patients environ et que l’amélioration se maintenait après un an pour près de 90 % de ces patients.
Des résultats comparables ont été observés en France où 247 malades ont été traités entre le mois d’août 2018 et octobre 2019. Les trois quarts étaient des hommes âgés en moyenne de 77 ans et la moitié avaient déjà reçu d’autres traitements. Le « taux de réponse » au cemiplimab a été là aussi de 50 % et 40 patients ont été complètement guéris.
Une équipe de dermatologiques du Centre Léon Bérard de Lyon, confirme le bénéfice apporté par le cemiplimab. Dans ce centre ont été traités 29 malades (20 hommes et 9 femmes) souffrant d’un CEC évolué localement pour 13 d’entre eux et avec des métastases ganglionnaires (8 cas)-et des métastases dans d’autres organes (8 cas) Ils étaient âgés en moyenne de 85 ans. Certains malades avaient déjà reçu un à trois autres traitements auparavant sans succès durable. Sous cemiplimab, le taux de réponse a été de 58 % avec 7 améliorations partielles et 10 disparitions de la tumeur. A noter en particulier deux malades de 86 ans et 91 ans « guéris » après quatre perfusions de cemiplimab, ce qui leur a permis d’éviter une longue hospitalisation en période de Covid. La dose recommandée de cemiplimab est en effet de 350 mg toutes les trois semaines, administrée par perfusion intraveineuse pendant 30 minutes jusqu’à l’obtention d’une réponse favorable.
Malgré ces résultats encourageants, la commission de transparence en France vient de décider de suspendre l’autorisation temporaire d’utilisation accordée au cemiplimab entre août 2018 et janvier 2021, au motif que l’efficacité de ce traitement n’était pas parfaitement évaluée dans des études adéquates (essais « randomisés de phase III). Ainsi, depuis janvier 2021, ce médicament n’est plus remboursé par la sécurité sociale et les dermatologues et cancérologues français ne peuvent plus en pratique le proposer à leur patient.
Soulignons qu’en plus de l’Union européenne, Libtayo est approuvé aux États-Unis, au Canada et au Brésil dans le traitement du carcinome épidermoïde métastatique ou localement avancé…
Dr Marie-Line Barbet
Pham F et coll. : Cemiplimab removed from reimbursable drugs in France.
European Journal of Cancer 149 (2021) 11e13