Carcinome épidermoïde cutané, la vigilance s’impose !

Déc 30, 2020

Le carcinome épidermoïde cutané (CEC) était considéré jusqu’à présent comme le deuxième cancer de la peau le plus fréquent après le carcinome basocellulaire (CBC). Mais plusieurs études récentes en Australie et aux USA montrent que la fréquence des CEC a augmenté considérablement au cours des dernières décennies, rejoignant celle du CBC.

 
Le CEC touche le plus souvent des hommes âgés. La quantité totale de rayons UV (y compris artificiels) à laquelle une personne a été exposée au cours de la vie en est le principal facteur de risque. S’y ajoute le fait d’avoir « un phototype clair » (cheveux blonds ou châtains, teint et yeux clairs). D’autres circonstances peuvent plus rarement jouer un rôle telles qu’une immunité compromise par des traitements (immunosuppresseurs en particulier pour les greffés) ou des infections (infections par le virus du SIDA) ou encore une susceptibilité accrue à développer ce type de cancer (quelques maladies rares).

Le vieillissement de la population, le nombre toujours plus important de greffés d’organe, les modifications des comportements vis-à-vis des UV expliquent sans doute en grande partie l’augmentation de la fréquence du CEC.

Dans 95 % des cas, le retrait de la tumeur grâce à une intervention chirurgicale permet de guérir ces cancers. Mais un faible pourcentage peut récidiver ou entraîner des métastases au niveau des ganglions proches ou plus rarement à distance. L’évolution vers le décès est une éventualité exceptionnelle mais est devenue malheureusement un peu moins rare au cours de ces dernières années et l’on peut craindre que la mortalité liée au CEC ne finisse par rejoindre celle due au mélanome.

C’est pourquoi les équipes de dermatologistes dans le monde tirent la sonnette d’alarme pour que la population soit mieux informée des dangers encourus et des moyens de prévention.

Les moyens de préventions sont la protection vis-à-vis des UV (exposition aux heures les moins ensoleillées, utilisation d’écrans solaires, pas de fréquentation des cabines de bronzage), un suivi régulier chez les dermatologistes tous les 6 mois en cas de baisse de l’immunité (greffés, traitements immunosuppresseurs) et si il existe des antécédent de cancer de la peau, en particulier dans les deux années qui suivent alors que le risque de récidive est le plus élevé.

Les kératoses actiniques qui se traduisent par des croûtes plus ou moins épaisses sur une base rose ou rouge se reproduisant sans cesse sont provoquées aussi par les UV et elles sont considérées comme pouvant se transformer en CEC dans 5 à 10 % des cas. Un des aspects de la prévention des CEC est donc de les éliminer, diverses méthodes étant possibles : par le froid (cryothérapie), l’électricité (électro-curettage), l’application de crèmes immunomodulatrices (5- Fluorouracile, imiquimod, diclofénac), la photothérapie dynamique.

Le risque de récidive d’un CEC diffère en fonction du diamètre de la tumeur et de l’importance de son développement dans la peau (profondeur, envahissement des nerfs…), ainsi que de son type (plus ou moins « différencié »). Le taux de récidive peut être de 16 % pour les CEC à haut risque.

Lorsqu’un CEC est considéré comme à haut-risque, l’exérèse chirurgicale doit respecter une marge de peau saine de 5 mm à 1 cm autour de la tumeur. Ceci peut représenter des interventions difficiles parfois réalisées en 2 temps par des chirurgiens spécialisés. En revanche pour les petites tumeurs qui évoluent lentement chez une personne âgée, le dermatologiste peut très bien se charger de l’intervention.

De même un bilan par scanner, échographie, ou IRM peut être réalisé dans les CEC jugés à haut risque pour rechercher une « extension » de la tumeur. Pour les autres CEC, un simple suivi dermatologique suffit.

Les autres options thérapeutiques sont la radiothérapie soit à la place de la chirurgie lorsque celle-ci n’est pas possible ou en complément, et de nouveaux types de chimiothérapie dont le seul approuvé actuellement est le cemiplimab indiqué dans le traitement des CEC compliqués de métastases.

Le carcinome épidermoïde de la peau reste dans la majorité des cas un cancer peu grave. Toutefois il ne faut pas ignorer que parfois il peut exposer à un risque de récidive voire de métastases. Se protéger du soleil, rester attentif à la survenue de nouvelles lésions « inguérissables » sur la peau surtout pour les personnes âgées, consulter un dermatologue au moindre doute sont les premières mesures essentielles à suivre pour ne pas avoir à faire face à une telle éventualité.

Dr Marie-Line Barbet

Maubec E : Upadte on the management of cutaneous squamous cell carcinoma.  
Acta Derm Venereol., 2020 Jun 3;100(11):adv00143. doi: 10.2340/00015555-3498.