On sait que les patients qui ont eu un mélanome cutané (MC) ont un risque accru d’avoir un deuxième mélanome. Cependant, il existe des mélanocytes (les cellules impliquées dans le mélanome) dans d’autres organes que la peau par exemple les yeux, les muqueuses, les méninges, toutes localisations qui peuvent donc être aussi le siège de mélanomes alors appelés mélanomes non cutanés (MNC). Ceux-ci représentent environ 10 % de tous les mélanomes. Ils sont plus agressifs et de plus mauvais pronostic que les mélanomes cutanés ce qui s’explique peut-être en partie par le fait qu’ils sont découverts avec retard.

L’un des moyens pour diagnostiquer des mélanomes non cutanés au stade précoce est d’examiner régulièrement les patients qui sont à risque élevé d’être atteints de ce type de cancer. Or il est probable que les patients ayant eu un premier mélanome cutané ont non seulement davantage de risque de souffrir d’un second mélanome cutané mais aussi d’être atteint d’un mélanome en dehors de la peau.
Pour vérifier cette hypothèse, des dermatologistes ont examiné les cas de toutes les personnes chez lesquelles avait été diagnostiqué un MC dans différentes régions des Etats-Unis entre 1974 et 2016 : ils en ont retenu au total 169 841 ayant fait l’objet d’un diagnostic de MC primitif (55 % d’hommes, 95 % de Blancs âgés en moyenne de 57,9 ans) sur une population représentant environ 9,4 % des habitants des USA. Parmi ceux-ci, sur toute la période examinée, 9 239 ont eu un deuxième MC et 64 ont eu un mélanome oculaire, 5 un mélanome de la muqueuse orale et 9 un mélanome au niveau du vagin/col de l’utérus.
Il a été calculé que, par rapport aux personnes n’ayant jamais eu de MC, le risque, pour les personnes ayant eu un MC, d’avoir un nouveau MC est multiplié par 8, celui d’avoir un mélanome oculaire par 2, celui d’avoir un mélanome de la muqueuse orale par presque 7 et celui d’avoir un mélanome du vagin/col de l’utérus par plus de 10.
Cependant le surcroît de risque de deuxième mélanome de la peau reste beaucoup plus important que le risque d’avoir un deuxième mélanome dans une autre localisation. Et il faut bien reconnaître que la fréquence des MNC en cas de premier MC reste très basse, trop faible pour que soit recommandée une surveillance comprenant systématiquement un dépistage régulier chez l’ophtalmologue, le stomatologue ou encore le gynécologue, ce qui ne serait pas « rentable » en terme de santé publique.
Néanmoins le travail mené par ces dermatologues est intéressant car il alerte sur la possibilité de localisations extra-cutanées du mélanome et incite ainsi à une auto vigilance, d’autant plus prolongée que ces deuxièmes mélanomes non cutanés (sauf ceux de la muqueuse orale) ont été parfois observés dix ans après la première tumeur. Quant au mécanisme par lequel ces mélanomes non cutanés, qui ne peuvent être liés à l’exposition aux UV, se développent, il reste mystérieux mais probablement lié à des mutations génétiques communes au sein des mélanocytes (dans la peau ou ailleurs).
Dr Marie-Line Barbet
Beroukhim K et coll. : Risk of second primary cutaneous and noncutaneous melanoma after cutaneous melanoma diagnosis: A population-based study.
J Am Acad Dermatol. 2020 Mar; 82(3):683-689.doi: 10.1016/j.jaad.2019.10.024.