L’exposition aux ultraviolets, qu’ils soient solaires ou artificiels est le principal facteur environnemental favorisant la survenue du mélanome ainsi que de certains cancers cutanés dits kératinocytaires. La prévention de ces cancers repose sur des recommandations pour protéger la peau contre les UV par le port de vêtements, l’application d’écran solaire, la régulation des activités extérieures en fonction de l’ensoleillement et la moindre utilisation du bronzage artificiel. Les campagnes de prévention réclament cependant un investissement financier important et n’atteignent pas toujours leurs cibles dans certaines populations, adolescents insouciants et adeptes du teint hâlé par exemple.

D’un autre côté l’examen régulier de la peau par un dermatologue permet de détecter les mélanomes (et les autres cancers cutanés), alors qu’ils sont à un stade de début, et donc ont toutes les chances de guérir. Mais les programmes de dépistage des mélanomes comportent aussi le risque de traiter inutilement des tumeurs bénignes ou très peu menaçantes : il y aurait ainsi 5 fois plus de biopsies et d’exérèses de lésions bénignes qu’il n’y a de diagnostics de cancer de la peau. Ces interventions inutiles ont un coût qui n’est pas seulement financier mais psychologique. La plupart des autorités de santé ne recommandent d’ailleurs pas le dépistage du mélanome pour toute leur population.
Si les deux approches peuvent être menées conjointement, il est important de déterminer laquelle est la plus efficace au regard de son coût : prévention ou dépistage ?
Une étude a comparé les effets des deux stratégies dans une population de personnes à peau claire vivant dans une région très ensoleillée puisqu’il s’agit de l’état du Queensland en Australie : prévention primaire par l’utilisation quotidienne d’écrans solaires d’un indice 15 et dépistage par l’examen cutané annuel de tout le corps par un dermatologiste.
En compilant les résultats de diverses enquêtes, cette étude arrive à la conclusion que l’application systématique de crème solaire par des personnes d’âge moyen prévient de manière significative les mélanomes, cancers cutanés et lésions bénignes telles que les kératoses actiniques provoquées par l’exposition au soleil. Le nombre de décès par mélanome pourrait être réduit d’un tiers sur trente ans dans une population utilisant les écrans solaires régulièrement.
Comme on s’en doute, un programme de dépistage toujours chez des personnes d’âge moyen permet de détecter et de traiter davantage de mélanomes, de cancers cutanés et de kératoses actiniques que lorsqu’on s’en remet à la seule prévention primaire ou lorsque l’on ne fait rien du tout. Mais l’impact économique des programmes de dépistage est plus élevé, ainsi que l’impact psychologique (angoisse du diagnostic de cancer).
Les bons effets observés avec la prévention primaire par la seule application régulière d’écran total incitent donc à privilégier cette stratégie dans la lutte contre le mélanome. Le dépistage pour une détection à un stade précoce devrait être comme toujours réservé aux groupes de patients à risque qui ont beaucoup de grains de beauté (naevus), qui ont des antécédents familiaux et se sont beaucoup exposés au soleil….
Dr Marie-Line Barbet
Gordon L et coll. : Prevention versus early detection for long-term control of melanoma and keratinocyte carcinomas: a cost-effectiveness modelling study.
BMJ Open 2020 Feb 26;10(2):e034388. doi: 10.1136/bmjopen-2019-034388.