Mélanome : évaluer soi-même les risques

Juin 24, 2020

Mai 2020 – Les autorités de santé de la plupart des pays recommandent que le dépistage du mélanome ne soit pas systématique pour toute la population mais ciblé sur les personnes les plus à risque. Encore faut-il que celles-ci soient identifiées ou s’identifient comme telles. Malheureusement les campagnes de prévention insistent toujours beaucoup sur la conduite à adopter vis-à-vis de l’exposition solaire et beaucoup moins sur les autres facteurs de risque.


Une étude a été menée aux Etats-Unis sur 4 602 personnes âgées en moyenne d’une cinquantaine d’années et suivies dans un centre de dermatologie afin de préciser comment les patients pouvaient évaluer leurs propres risques vis-à-vis des cancers de la peau. Lors des consultations il leur a été demandé de remplir un questionnaire sur leur type de peau (claire ou plus foncée), le nombre de grain de beauté, de coups de soleil, d’antécédents de mélanome et/ou d’autres cancers de la peau pour eux ou/et dans leur famille. Les réponses permettaient d’établir un score de risque et les personnes qui avaient un score moyen à élevé étaient encouragées à se soumettre à un dépistage par photographies numérisées du corps entier.

Un peu plus de la moitié des patients ont bénéficié d’au moins une séance de dépistage au cours de la période qu’a duré l’étude. Ils étaient en général d’un niveau d’éducation plus élevé, vivaient en couple et avaient…une assurance sociale (nous sommes aux Etats-Unis). Un peu plus de 60 % des personnes étaient à risque moyen à élevé et 80 % d’entre elles ont bénéficié d’un dépistage.

Au passage, le dépistage est efficace puisque parmi les patients qui étaient dépistés pour la première fois, une lésion suspecte a été découverte dans 4,6 % des cas. Une biopsie a alors été pratiquée qui a conduit au diagnostic de cancer près d’une fois sur trois.

Néanmoins, on ne peut que constater que ce sont les personnes les plus éduquées, donc probablement les mieux averties de leur niveau de risque, qui ont eu accès à ce dépistage.  D’autres n’en ont pas bénéficié. Les auteurs rappellent aussi que les facteurs de risque classique ont été établis pour les populations blanches, les personnes à peau foncée considérant alors souvent qu’elles sont protégées des effets des rayons du soleil. Or c’est une conception erronée qui contribue à ce que les cancers de la peau sont diagnostiqués à un stade plus avancé chez les sujets à peu foncée. Des lésions sur les paumes des mains, les plantes des pieds, les ongles, l’intérieur de la bouche, les muqueuses génitales sont particulièrement à risque chez ce type de patients.

Finalement cette étude nous apprend que l’on peut soi-même très bien déterminer son niveau de risque pour peu que l’on soit éduqué à le faire. Et qu’un dépistage par séances régulières de photos dans toutes les positions suivies d’un examen à la loupe (dermatoscope) des grains de beauté d’aspect inhabituel ou qui ont changé ou qui sont apparus, avec si besoin une biopsie pour examen au microscope est « rentable » pour les personnes à haut risque. Il ne manque que des dermatologues en nombre suffisant pour le faire…

Dr Marie-Line Barbet

Drugge ED : Melanoma screening using self patient assessed risk and total body photography. Dermatol Online J. 2019 Jul 15;25(7):13030/qt33h4r9bk.