Un point sur le traitement chirurgical du mélanome

Mai 28, 2020

Avril 2020 – Lorsque le dermatologiste suspecte un mélanome, il enlève ou fait enlever cette « tache », ce « grain de beauté » ou ce « bouton » bizarres et envoie le prélèvement au laboratoire d’anatomopathologie. Ce prélèvement y est alors examiné au microscope pour confirmer qu’il s’agit bien d’une lésion maligne d’après l’aspect et l’agencement des cellules. Une attention particulière est portée à l’épaisseur de la tumeur, c’est-à-dire la distance entre la base de la couche cornée de l’épiderme et la cellule tumorale la plus profonde.


La gravité du mélanome est étroitement liée à l’importance de cette épaisseur dont vont donc dépendre les modalités du traitement. Ces dernières sont régulièrement réévaluées afin d’offrir la meilleure prise en charge aux malades.

Après que le mélanome malin a été diagnostiqué il est nécessaire de « reprendre » la première intervention pour passer « au large » de la tumeur et éliminer les éventuelles cellules cancéreuses disséminées au voisinage afin de réduire le plus possible le risque de récidive. La largeur de la marge à observer autour de la cicatrice initiale reste discutée. Si l’on compare les patients à qui l’on a « pris » des marges de 1 à 2 cm, il n’y a pas de différence significative par rapport à ceux pour lesquels les marges ont été de 3 à 5 cm, en termes de durée de la survie, de risque de récidive ou de délai avant la survenue de celle-ci.  Des marges plus larges pourraient apporter un bénéfice à certains patients mais elles sont difficiles à respecter car cela nécessite d’enlever une surface importante de peau avec des conséquences esthétiques délétères notamment sur le visage ou les mains par exemple. C’est pourquoi des marges de 1 à 2 cm sont généralement recommandées pour les mélanomes dont l’épaisseur est de moins de 2 mm et des marges plus importantes (au moins 2 cm) pour les mélanomes de 2 à 4 mm d’épaisseur. Quant aux mélanomes in situ (c’est à dire uniquement situés dans l’épiderme), il semble aussi préférable d’aller au-delà de 5 mm de marge (jusqu’à 1 cm),

Le risque de métastase dans les ganglions augmente aussi avec l’épaisseur de la tumeur. Dans 90 % des cas, le médecin ne retrouve pas, lors de son examen clinique initial, de ganglions augmentés de volume. Cependant pour environ 16 % de ces patients, il y a effectivement des métastases « microscopiques » dans les ganglions, cette éventualité étant davantage à redouter pour les tumeurs plus épaisses évidemment.  Ainsi, il a été recommandé, essentiellement pour les mélanomes ayant une épaisseur de plus de 0,8 mm, de rechercher ces micrométastases avec une biopsie du ganglion sentinelle. Cela consiste à prélever et à examiner au microscope le principal ganglion dans la zone du corps où est situé le mélanome (par exemple dans le creux de l’aisselle pour un mélanome du haut du bras).  Cette intervention semble surtout pertinente pour les tumeurs d’épaisseur supérieure à 1,2 mm. Si l’on trouve des métastases dans le ganglion sentinelle, il est décidé soit d’enlever tous les autres ganglions (curage ganglionnaire), soit de surveiller étroitement par des échographies notamment, l’état et le devenir des autres ganglions. Les résultats des deux « stratégies » semblant comparables sur l’évolution, c’est la seconde qui est actuellement privilégiée, car le curage ganglionnaire peut laisser des séquelles importantes. Quoi qu’il en soit, la présence de métastases dans les ganglions signifie que la maladie est un peu plus avancée et qu’il faut recourir à des traitements médicamenteux : traitement ciblés et/ou immunothérapie qui font preuve d’un bon niveau d’efficacité.

Telles sont les directives actuelles du traitement « chirurgical » du mélanome. Mais elles peuvent encore être modifiées grâce à l’observation des patients et bien sûr des progrès techniques et thérapeutiques.

Dr Marie-Line Barbet

Wright FC et coll. : Primary excision margins, sentinel lymph node biopsy, and completion lymph node dissection in cutaneous melanoma: a clinical practice guideline. Curr Oncol., 2019; 26(4):e541-e550