Prise en charge du mélanome : une nouvelle mise à jour

Mar 22, 2019

Mars 2019 – Les récentes avancées dans le traitement des mélanomes malins évolués ont amené les autorités de santé et les sociétés savantes à redéfinir la prise en charge de ces tumeurs. Ainsi la prestigieuse American Academy of Dermatology vient-elle d’édicter de nouvelles recommandations destinées à remplacer celles de 2011. En voici les grandes lignes.


Malgré les progrès de l’imagerie et de la biologie moléculaire, la biopsie reste la première étape pour établir le diagnostic de mélanome cutané et le caractériser sur le plan de son épaisseur et de son apparence. Cette biopsie consiste en réalité le plus souvent à enlever chirurgicalement la tumeur (exérèse complète) en respectant une marge de 1 à 3 mm autour. Parfois cependant, la taille importante de la tumeur ou sa localisation (visage, extrémités) font que seule une biopsie partielle est réalisée.

Quoi qu’il en soit le prélèvement de peau obtenu par la biopsie (généralement effectuée par le dermatologiste) est envoyé au laboratoire d’anatomopathologie pour examen histologique. Celui-ci va permettre de confirmer le diagnostic et de « classer » la tumeur en fonction de son épaisseur : T1 si épaisseur inférieure ou égale à 1 mm, T2 si épaisseur comprise entre 1 et 2 mm, T3 pour une épaisseur comprise entre 2 et 4 mm et T4 pour une épaisseur de plus de 4 mm.

La chirurgie est le traitement de première ligne du mélanome cutané quelle que soit son épaisseur y compris pour les mélanomes in situ (où les cellules malignes ne sont vues que dans l’épiderme, soit un stade T0). Elle compète la biopsie en assurant une exérèse plus large et plus profonde. Ce geste est nécessaire pour diminuer le plus possible le risque de récidive. Les limites de l’intervention sont dictées par l’épaisseur de la tumeur : par exemple marges de 1 cm en cas d’épaisseur de 1 mm et de 2 cm en cas d’épaisseur de 2 mm. Parfois, la localisation et l’étendue de la tumeur font qu’il est impossible de réaliser des interventions aussi importantes. D’autres options peuvent être proposées (autres techniques de chirurgie, radiothérapie, crèmes à l’imiquimod) mais elles ne sont pas parfaitement validées et elles sont appliquées au cas par cas.

La biopsie du « ganglion sentinelle » c’est-à-dire du principal des ganglions qui « drainent » la zone où se situe le mélanome n’est le plus souvent pas recommandée pour les tumeurs ayant une épaisseur de moins de 1 mm car l’atteinte des ganglions est alors extrêmement rare. Elle peut être proposée dans les autres cas et est destinée à établir si la tumeur s’est disséminée aux ganglions.

Les patients qui ont eu un mélanome doivent être suivis régulièrement surtout lorsque la tumeur est à haut risque de récidive (mélanome de plus de 2 mm d’épaisseur et avec certaines caractéristiques histologiques telles que : ulcération, invasion du système lymphatique, taux de mitoses [divisions cellulaires] élevé). Pour les mélanomes in situ, le rythme des consultations recommandé est de tous les 6 mois pendant un à deux ans puis tous les ans. En cas de mélanomes de stade T1 T2, les consultations de suivi tous les 6 mois devront être maintenues pendant 5 ans (puis une fois par an ensuite). Enfin pour les tumeurs T3 T4, le rythme des consultations sera de tous les trois mois pendant les deux premières années puis tous les 6 mois de la troisième à la cinquième année puis une fois par an. Au cours de ces visites de surveillance, il est procédé à un examen complet de la peau et une recherche de ganglions. Pour les tumeurs les plus avancées, des examens d’imagerie (échographie, scanner) sont en général pratiqués au cours des 3 à 5 premières années.

Il est à noter que la plupart des métastases apparaissent dans les une à trois premières années après le début du traitement de la tumeur primitive.

L’académie américaine s’est aussi penchée sur un problème fréquemment soulevé : le diagnostic d’un mélanome pendant la grossesse. Elle rappelle qu’il n’y a pas de conséquence particulière sur le pronostic mais qu’à l’heure du traitement il est bien sûr nécessaire de prendre en considération la sécurité de l’enfant.

Les « nouveaux traitements » des mélanomes évolués ont amélioré le devenir des patients mais ils exposent à des effets secondaires. Là encore un suivi est nécessaire par les oncologues et dermatologues, toutes les deux à quatre semaines pendant les trois premiers mois avec les thérapies ciblées notamment.

L’avancée des techniques de biologie moléculaire devrait permettre dans le futur de mieux « affiner » le pronostic des tumeurs et ainsi de déterminer lesquels parmi les patients sont susceptibles de bénéficier de tel ou tel traitement ou au contraire n’en ont pas besoin. Il est à supposer que les recommandations auront besoin d’ici peu d’une nouvelle actualisation…

Dr Marie-Line Barbet

Swetter SM et coll. : Guidelines of care for the management of primary cutaneous melanoma. J Am Acad Dermatol., 2019; 80(1):208-250. doi: 10.1016/j.jaad.2018.08.055.