Novembre 2018 – Comme pour de nombreuses autres pathologies, la prise en charge du mélanome fait l’objet de mises au point régulières qui prennent en compte les résultats d’études et de travaux récents et les progrès diagnostiques et thérapeutiques. Un groupe de travail de la prestigieuse académie américaine de dermatologie vient ainsi de formuler de nouvelles recommandations pour le mélanome d’épaisseur variant de moins de 1 mm à 2 mm, les précédentes datant de 2011.
La biopsie qui peut être partielle ou complète reste la première étape pour établir le diagnostic de mélanome. L’examen au dermatoscope, autorisant un meilleur éclairage et un grossissement des lésions, aide à repérer celles qui sont « suspectes ». C’est l’analyse histologique du prélèvement qui permet de faire le diagnostic. Cependant, de nouvelles méthodes de diagnostic sont en train d’émerger comme la microscopie confocale par exemple, des analyses génétiques, la tomographie en cohérence optique, mais elles ne sont disponibles que dans un nombre limité de centres et l’on n’a pas encore la preuve de leur totale efficacité.
Idéalement la biopsie doit enlever toute la lésion en réservant 1 à 3 mm de marge de peau saine quand cette lésion est évocatrice d’un mélanome, afin de permettre l’étude de son épaisseur et de son étendue dans l’épiderme et le derme.
Si le diagnostic de mélanome est confirmé par l’anatomopathologiste, le traitement, quel que soit le stade du mélanome est en premier lieu l’intervention chirurgicale autrement dit la reprise autour de la cicatrice de biopsie en respectant une marge de peau saine de largeur variable (moins de 1cm pour les tumeurs de 0 à 1 mm d’épaisseur, au moins 2 cm pour les tumeurs plus épaisses) en fonction de l’épaisseur de la tumeur qu’aura déterminée l’anatomopathologiste. On a montré que ce type de « reprise » limitait le risque de récidives. Cependant, il n’y a pas de preuve que « passer » à plus de 2 cm soit plus bénéfique. Pour les mélanomes de très faible épaisseur (dits in situ), une marge de 0,5 à 1 cm est suffisante.
Les résultats du premier examen peuvent conclure à un mélanome à haut risque de métastases et de récidives du fait de son épaisseur, ce qui peut conduire à proposer une biopsie du ganglion sentinelle, c’est-à-dire une biopsie du premier ganglion de la chaîne lymphatique qui « draine » le territoire où se situe le mélanome et qui peut être atteint par le cancer (métastase ganglionnaire). Si c’est le cas, cette biopsie est faite en même temps que la « reprise » chirurgicale.
Quel type de surveillance ?
Aucun examen radiologique et de laboratoire n’est recommandé initialement (sauf présence de symptômes particuliers). Mais une échographie est pratiquée quand le médecin détecte une augmentation d’un ou de plusieurs ganglions ou encore chez les patients qui seraient éligibles à une biopsie du ganglion sentinelle mais finalement n’en « bénéficient » pas.
La surveillance, qui peut se faire en collaboration avec le cancérologue en cas de mélanome à haut risque consiste en des consultations répétées chez le dermatologue (en plus d’une auto surveillance) dont le rythme varie en fonction de la gravité du mélanome : tous les 6 mois pour les mélanomes in situ et de faible épaisseur pendant deux à 5 ans, tous les trois mois pendant deux ans, puis tous les 6 mois pendant 3 à 5 ans pour les mélanomes épais. Il est recommandé de voir son dermatologue une fois par an ensuite toute la vie…
Dans la plupart des cas, les métastases apparaissent dans les trois premières années et le risque de développer un nouveau mélanome est plus élevé. Le danger est plus net encore s’il existe de nombreux grains de beauté atypiques, ainsi que des antécédents familiaux et personnels de mélanome, et une sensibilité au soleil.
On aimerait disposer de nouveaux moyens pour identifier les mélanomes malins peu épais donc considérés comme à faible risque mais qui peuvent quand même se compliquer de métastases. Pour l’instant les études basées sur l’analyse de l’expression des gènes, bien que prometteuses ne sont pas parvenues à des conclusions et applications définitives.
Les métastases locales sont de deux types : persistance de la maladie qui se manifeste par une tache pigmentée au bord de la cicatrice ou métastases satellites/ en transit qui forment des « boules » palpables autour de la cicatrice (entre la cicatrice et la chaîne ganglionnaire). Dans le premier cas on considère que cette réapparition d’une tache résulte d’une ablation insuffisante et elle est traitée par une intervention chirurgicale, alors que les métastases satellites/en transit illustrent une évolution vers un stade plus grave dont la prise en charge est tout à fait différente et multidisciplinaire : exérèse, imagerie, biospie du ganglion sentinelle, traitement général ou intralésionnel, enrôlement dans de nouveaux essais thérapeutiques.
Le problème de la grossesse
La prévalence du mélanome est en augmentation chez les jeunes femmes et le rôle des habitudes de bronzage a été ici clairement souligné. Quoi qu’il en soit cela signifie que la possibilité de grossesse chez une femme qui a eu un mélanome devient de moins en moins exceptionnelle.
Plusieurs études ont montré l’absence d’impact de la grossesse sur le pronostic d’un mélanome diagnostiqué avant cette grossesse. S’il s’agit d’un mélanome in situ il n’est donc pas besoin de respecter un délai avant de débuter une grossesse. En revanche pour les mélanomes plus épais (2 mm) il est préférable d’attendre deux à trois ans non pas du fait d’un risque évolutif accru mais pour ne pas avoir à imposer certains traitements à une femme enceinte et son fœtus. Un mélanome diagnostiqué pendant la grossesse n’a pas de conséquence pour le pronostic de la femme mais la prise en charge doit prendre le fœtus en considération.
La surveillance des nævus chez une femme enceinte est la même qu’en dehors de la grossesse. Enfin la prise d’hormones est possible.
Ces recommandations américaines rejoignent largement les recommandations européennes.
Dr Marie-Line Barbet
Work Group, Swetter SM, Tsao H, Bichakjian CK, Curiel-Lewandrowski C, Elder DE, Gershenwald JE, Guild V, Grant-Kels JM, Halpern AC, Johnson TM, Sober AJ, Thompson JA, Wisco OJ, Wyatt S, Hu S, Lamina T. : Guidelines of care for the managment of primary cutaneous melanoma. J Am Acad Dermatol., 2018 ; publication avancée en ligne le 29 octobre. doi: 10.1016/j.jaad.2018.08.055.