Le carcinome épidermoïde de la peau

Avr 3, 2018

Le carcinome épidermoïde cutané (CEC, appelé autrefois carcinome spinocellulaire) est, par ordre de fréquence, le deuxième cancer de la peau après le carcinome basocellulaire : 30 pour 100 000 habitants par an en France. Il se développe à partir de cellules (kératinocytes) situées dans la partie moyenne de l’épiderme, appelée couche épineuse.

Quels sont les facteurs favorisants ?

Le carcinome épidermoïde se présente sous différents aspects, ce qui ne facilite pas la tâche du médecin !
Toutefois on constate que l’aspect varie en fonction de la localisation et de l’évolutivité du CBC.

  • Il touche surtout les personnes de plus de 60 ans (âge moyen des patients 76 ans), et trois fois plus souvent les hommes que les femmes.
  • Il est principalement dû à une exposition solaire continue et il apparaît surtout sur les zones du corps non recouvertes par les vêtements.
  • Les personnes à peau, cheveux et yeux clairs ont plus de risques d’avoir un tel cancer.
  • Les personnes qui vivent ou ont beaucoup vécu ou travaillé en extérieur, au soleil, (agriculteurs, marins, jardiniers…) ont également plus de risque d’avoir ce type de cancer.

Outre le soleil et les UV, il existe d’autres facteurs favorisants :

  • l ’exposition importante à des rayons X (donnant des radiodermites), à certaines substances (hydrocarbures aromatiques polycycliques, arsenic),
  • les cicatrices de brûlures anciennes, les ulcères, certaines maladies de la peau chroniques (lupus, lichen…).
  • l’infection par des virus de la famille des papillomavirus ou HPV qui serait impliquée dans les CEC autours des ongles et dans les zones anogénitales.
  • des maladies génétiques rares de la peau…

Enfin il faut également craindre la possible survenue de CEC en cas de diminution des défenses immunitaires :

  • lors d’un traitement (chimiothérapie, immunothérapie) pour un autre cancer;
  • en cas de prise d’immunosuppresseurs pour une transplantation (greffe) d’organe, de prise d’immunosuppresseurs ou de biothérapies pour certaines maladies inflammatoires rhumatismales (polyarthrite rhumatoïde par exemple), digestives (maladies chroniques de l’intestin), cutanées (psoriasis…) ;
  • ou enfin, en cas de maladie du système immunitaire (maladie du sang, SIDA, certaines maladies génétiques).

Les patients qui sont dans cette situation « de baisse des défenses immunitaires » doivent faire régulièrement surveiller leur peau pour que puisse être dépisté rapidement un éventuel cancer de la peau (CEC, mais aussi mélanome et à un bien moindre degré carcinome basocellulaire).

Comment le reconnaître ?

Le CEC peut être précédé de lésions « précancéreuses » : les kératoses actiniques et la maladie de Bowen :

  • Les kératoses actiniques se présentent sous la forme de taches rugueuses ou croûteuses, brunâtres, parfois rouges sur le visage, le décolleté et les mains. Parfois elles ont un développement exubérant parvenant à réaliser une véritable « corne ».
  • La maladie de Bowen se présente sous la forme d’une plaque rouge irrégulière.

Qu’il se développe sur une lésion déjà existante ou sans que rien ne l’a précédé en apparence, une plusieurs caractéristiques sont retrouvées dans le CEC :

  • Formation d’une zone rugueuse (kératosique) plus ou moins épaisse, gris-noirâtre;
  • Surélévation de la surface de la peau formant une boule (nodule) ou prenant un aspect mamelonné (on parle de « bourgeonnement »);
  • Infiltration en profondeur donnant la sensation qu’il y a un disque dur sous la lésion;
  • Erosion (écorchure) voire ulcération (la peau qui se creuse) avec constitution d’une plaie « saignottante ».

Parfois l’aspect est difficile à différencier de certains carcinomes basocellulaires ou encore d’une lésion bénigne appelée kératoacanthome. Le kératoacanthome est une « boule » qui apparaît rapidement avec en son centre une sorte de bouchon de corne…Ce kératoacanthome peut guérir seul en quelques semaines mais il est si difficile à distinguer d’un CEC, que la plupart du temps on préfère l’enlever chirurgicalement pour l’analyser…

Selon la caractéristique dominante, on trouve des CEC très « bourgeonnants » en chou-fleur souvent au niveau des membres inférieurs et compliquant une plaie chronique, des formes très kératosiques, des formes se résumant à une plaie croûteuse sur une base dure, des formes alliant bourgeonnement et ulcération (dite ulcérovégétante ou ulcéro-bourgeonnante)…

Enfin, il faut savoir que le CEC peut atteindre la lèvre, ou encore les muqueuses génitales.

Ce qu’il faut retenir, c’est que toute lésion en relief, croûteuse, qui creuse, qui progresse et surtout qui n’a aucune tendance à guérir malgré l’application d’un antiseptique ou d’une pommade antibiotique doit être montrée à un médecin, dermatologiste de préférence.

Une biopsie sera alors pratiquée, c’est-à-dire qu’une partie de la lésion (ou toute la lésion si elle est de petite taille) est enlevée, placée dans un flacon à biopsie et acheminée vers un laboratoire d’anatomopathologie où il sera examiné au microscope afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic.

Quel danger ?

Le carcinome épidermoïde n’est le plus souvent pas une tumeur grave. Cependant dans environ 4 % des cas il provoque des métastases ganglionnaires (c’est-à-dire que le cancer se dissémine au niveau des ganglions dans la zone proche de la tumeur) et parfois ailleurs dans le corps. Et il peut exceptionnellement être mortel (1,5 %)

Les CEC les plus à risque de métastases sont :

  • ceux situés sur le nez, les lèvres les paupières, les oreilles, le cuir chevelu;
  • ceux de plus de 2 cm de diamètre (trois fois plus de risque de métastases que les CEC de moins de 2 cm);
  • ceux qui sont des récidives d’un CEC antérieur.

Par ailleurs les CEC qui « compliquent » une brûlure ancienne, une radiodermite, un ulcère chronique ou encore qui surviennent chez une personne en état d’immunodépression sont plus graves et plus à risque de donner des métastases.

D’autres signes trouvés à l’examen microscopique de la tumeur permettent de préciser aussi son degré de gravité.

En fonction du risque de métastase, le médecin pourra demander une échographie pour rechercher les ganglions drainant la zone du cancer.

Quel traitement ?

Le traitement du CEC est la chirurgie qui enlève la lésion avec une marge de peau saine plus ou moins grande en fonction du risque évolutif de la tumeur, déterminé notamment par sa taille et sa localisation : la marge fera 4 à 6 mm en cas de bon pronostic, 6 à 10 en cas de mauvais pronostic. Parfois, une chirurgie en deux temps est nécessaire avec « reconstruction » quand la tumeur est de taille importante et « mal située ».

Les traitements non chirurgicaux ne peuvent s’appliquer qu’aux lésions précancéreuses ; kératoses, maladie de Bowen. Il peut s’agir de cryothérapie (par le froid avec application d’azote liquide), de photothérapie dynamique, d’électrocoagulation, de laser ou encore de crèmes à base d’immunomodulateurs (imiquimod [Aldara], 5 fluoro-uracile [Efudix]). Dans tous les cas, un examen de la peau de tout le corps sera pratiqué pour vérifier qu’il n’y a pas d’autre cancer.

Pour les carcinomes épidermoïdes de stade avancé (métastases, récidives), il existe une thérapie ciblée (cétuximab, utilisée hors AMM(autorisation de mise sur le marché)) et une immunothérapie (cemiplimab, AMM européenne en date du 28/06/19) qui donnent des résultats favorables.

Après le traitement, il faut se soumettre à une surveillance régulière plus ou moins étroite en fonction du type de CEC, pour dépister les récidives éventuelles mais aussi d’autres CEC, et d’autres cancers de la peau (carcinomes basocellulaires, mélanomes) ainsi que pour traiter les lésions précancéreuses.

Le rythme recommandé des visites de surveillance chez le dermatologue est de une fois par an en cas de CEC de bon pronostic pendant 5 ans et de tous les 3 à 6 mois pendant 5 ans en cas de CEC de moins bon pronostic.


L’autosurveillance et
la protection contre le soleil sont indispensables.

Dr Marie-Line Barbet