Les nouvelles immunothérapies

Fév 24, 2018

Depuis quelques années, de nouveaux traitements sont disponibles pour traiter le mélanome. Leur principe est de mobiliser le système immunitaire contre la tumeur, c’est pourquoi on les appelle immunothérapies.

Le système immunitaire face au cancer

Normalement, le système immunitaire est chargé de détruire tout ce qui ne devrait pas se trouver dans l’organisme (les « éléments étrangers »), et en particulier les cellules cancéreuses ;

Pour éliminer ces cellules cancéreuses le système immunitaire fait appel à des globules blancs spéciaux, appelés lymphocytes T ;

Le processus d’élimination se fait en plusieurs étapes ;

  • Production par la cellule cancéreuse de molécules étrangères : les antigènes tumoraux
  • Présentation de ces antigènes à des cellules spéciales appelées « cellules présentatrices d’antigène »
  • Ces cellules entraînent l’activation des lymphocytes T dans les ganglions lymphatiques
  • Migration des lymphocytes T jusqu’à la tumeur
  • Fixation des lymphocytes T à la cellule tumorale
  • Destruction de la cellule tumorale

Certaines cellules cancéreuses échappent au système immunitaire par différents mécanismes dont deux sont bien identifiés : elles produisent à leur surface des molécules semblables à celles de cellules normales, ce qui va « tromper le système immunitaire » et l’empêcher de fonctionner normalement

  • Lors de la présentation des antigènes tumoraux aux lymphocytes T : la tumeur produit la molécule B7 qui se lie au récepteur CTLA4 du lymphocyte T  sans entraîner l’activation des lymphocytes T, car la molécule B7 est considérée par ces derniers comme normale
  • Lors de fixation des lymphocytes T aux cellules tumorales : ces dernières surproduisent à leur surface une molécule (ligand-PD-1) qui se fixe au récepteur correspondant du lymphocyte (PD1) ; c’est un signal « normal » pour empêcher  l’action de destruction des cellules tumorales par les lymphocytes T

Principe général des nouvelles immunothérapies :
Lutter contre la stratégie de camouflage des tumeurs

Les nouvelles immunothérapies sont des anticorps fabriqués pour lutter contre ces stratégies de « camouflage » des cellules tumorales

L’ipilimumab est un anticorps « anti CTLA4 » qui va se lier au récepteur CTLA4 du lymphocyte T et donc empêcher que la cellule tumorale ne freine l’activation des lymphocytes T

Le nivolumab et le pembrolizumab, sont des anticorps qui empêchent la liaison entre le récepteur PD-1 du lymphocyte et le ligand PD1 de la cellule tumorale. La destruction de la cellule tumorale par le lymphocyte peut se faire.

Ces traitements ont pour inconvénient de favoriser aussi l’action du système immunitaire contre les cellules normales de l’organisme. Autrement dit, des réactions auto-immunes de nature très variables sont possibles (diarrhées, vomissements, éruptions cutanées etc…). Ces symptômes peuvent être graves, et ces traitements doivent être prescrits par des équipes habituées à les reconnaitre et les prendre en charge.

Les indications des immunothérapies

Ces nouveaux traitements sont surtout destinés aux patients ayant un mélanome avec métastase (stade IV), dont ils ont véritablement révolutionné la prise en charge. Ils se révèlent particulièrement utiles pour le traitement des métastases cérébrales (2).

Une étude récente a également montré qu’un traitement par nivolumab pouvait retarder la récidive des mélanomes de stade III opérés (c’est-à-dire avec un ganglion atteint, mais sans métastase au niveau d’un organe) (3), avec nettement moins d’effets indésirables que l’interféron ou l’ipilimumab.

En pratique

Ces traitements sont donnés en perfusion. Par exemple, l’ipilimumab est donné en 4 perfusions espacées de 3 semaines, puis tous les 3 mois. Le nivolumab est également administré toutes les 3 semaines (3). L’efficacité de ces traitements s’observe après plusieurs mois de traitement. Il est possible d’observer une aggravation temporaire des lésions après le début du traitement : cela signifie que les cellules immunitaires sont bien mobilisées et provoquent une inflammation des lésions déjà présentes.

Dr Alexandre Haroche

Gaudy-Marqueste C, Monestier S, Grob J-J. Mélanome. EMC, 2015

Guillot B, Dalac S, Denis MG, Dupuy A, Emile J-F, Fouchardière ADL, et al. Actualisation des recommandations de prise en charge du mélanome stades I à III. Bulletin du cancer. Octobre 2016

Lebbé C. Quoi de neuf en oncodermatologie ? Annales de dermatologie et de vénérologie. Volume 144, numéro S4. pages IV40-IV46 (décembre 2017)