Actualités scientifiques Mélanome

Le mélanome, en 2017

Décembre 2017 – Lors des dernières journées dermatologiques de Paris (12 au 16 décembre 2017), le Pr Céleste Lebbé, de l’hôpital Saint Louis (Paris) a évoqué « tout ce qui s’est passé en 2017 », en ce qui concerne le mélanome.


Céleste Lebbé commencé par souligner que, malheureusement, en 2017 comme au cours des années précédentes, l’incidence du mélanome a continué d’augmenter dans le monde sauf en Australie, peut-être grâce à la force des campagnes de prévention dans ce pays. Pour autant, il apparaît désormais clairement que les campagnes de dépistage de masse ne servent à rien et sont coûteuses.  Le meilleur exemple en est celui de l’Allemagne où l’on a pu constater que l’énorme campagne de dépistage de masse mise en place n’a absolument rien changé à la mortalité par mélanome. Plus intelligent et efficace est le dépistage ciblé de populations présentant des facteurs de risque bien identifiés. A côté de ces facteurs de risque classiques, il faut ajouter l’exposition professionnelle aux UV qui serait responsable de 2 % des mélanomes. Par ailleurs, une étude prospective américaine a montré que des antécédents de cancers cutanés non mélaniques (c’est-à-dire de carcinomes baso-cellulaires et épidermoïdes) exposent aussi à un risque accru de mélanome.

Toujours des avancées dans le traitement des mélanomes métastatiques

Mais bien évidemment, c’est dans le domaine du traitement des mélanomes « avancés » (c’est-à-dire avec des métastases) que « les choses ont le plus bougé ».

L’immunothérapie, rappelle le Pr Lebbé, cela consiste à réarmer des guerriers qui sont au repos dans les tumeurs. Les guerriers, ce sont les lymphocytes censés agir contre les processus cancéreux et dont l’action est bloquée par divers freins élaborés par la tumeur elle-même tels les antigènes CLA4 ou encore PD1. Ainsi a-t-on développé des anticorps anti CLA4 (l’ipilimumab) et anti PD1 (tels le nivolumab ou le pembrolizumab). Outre par l’immunothérapie, il est possible de combattre les mélanomes par des thérapies ciblées lorsque les tumeurs présentent des mutations BRAF : ce sont les thérapies ciblées anti BRAF et anti MEK. Les immunothérapies procurent des « réponses » moins rapides et moins intenses que les thérapies ciblées. Par contre l’effet de ces dernières se heurte à l’apparition plus ou moins rapide de résistance secondaire. De sorte que sur le long terme, les résultats des immunothérapies sont supérieurs :  ainsi le taux de survie à trois ans avec les thérapies ciblées est-il de 44 % alors qu’il est de 50 % avec les anti PD1 et de 58 % avec une association anti PD1 et anti CLA4. Avec cette dernière combinaison, la courbe de survie est au-dessus de la courbe de survie obtenue avec un anti PD1 seul et on espère que ce bénéfice se maintiendra au-delà de 3 ans avec 10 % de malades survivants en plus.

Mais peut-on arrêter un traitement anti PD1 lorsque la maladie est contrôlée (réponse complète et/ou pas de progression) ? Deux études rapportées par Caroline Robert à l’ASCO en 2016 et 2017, menées chez 61 patients et 104 malades chez lesquels un contrôle de la maladie avait été obtenu montre que, après un arrêt du traitement pendant en médiane 10 et 9,7 mois respectivement, la réponse se maintient dans 97 % et 91 % des cas. En revanche, lorsque on arrête une thérapie ciblée, une rechute survient dans plus de 75 % des cas mais la reprise du traitement est alors fructueuse avec de nouveau de bons résultats et une médiane de survie de 19,9 mois.

Le Pr Lebbé a également mentionné quelques situations particulières telle celle des patients atteints de maladie auto-immune qui normalement contre-indiquerait l’immunothérapie. Dans ces cas, un résultat favorable est tout de même obtenu pour un tiers des malades. De même chez ceux qui présentent des métastases cérébrales, des réponses positives sont obtenues dans 46 à 55 % des cas avec les immunothérapies et des 58 % des cas avec les thérapies ciblées. Ces résultats pourraient être encore améliorés en associant une radiothérapie stéréotaxique.

Il reste que chez un encore trop grand nombre de patients, l’immunothérapie est inefficace. Parce que les « guerriers », c’est-à-dire les lymphocytes ne sont même pas présents dans la tumeur. Diverses stratégies pour remédier à cette situation sont en cours d’évaluation. Injecter des virus oncolytiques ou destructeur de tumeurs (par exemple le virus herpès) pour rendre le cancer « immunogène » et ainsi permettre aux anti-PD1 d’agir est une première piste (les taux de réponse sont ici de 61 % dont 33 % de réponse complète dans un essai préliminaire). Une autre possibilité est de coupler l’anti PD1 avec un inhibiteur d’une enzyme responsable de l’immunotolérance (l’indoleamine 2-3 dioxygénase IDO1). Trois premiers essais donnent des résultats encourageants (de 58 % à 63 % de réponses favorables). On en saura certainement plus à ce sujet en 2018.

Parmi d’autres travaux prometteurs, on citera ceux analysant les effets d’un blocage d’un autre frein des lymphocytes présent dans certaines tumeurs (LAG 3) en association avec les anti PD1, ou encore les essais combinant thérapie ciblée et antiPD1 dans les mélanomes mutés pour BRAF dont les premières conclusions sont là encore encourageantes.

Le traitement adjuvant du mélanome, une petite révolution

La petite révolution de 2017 aura cependant été la parution de deux essais montrant l’intérêt de traiter par immunothérapie ou par thérapie ciblé des patients opérés de leur mélanome, qui n’ont pas de métastases dans d’autres organes mais ont au moins un ganglion atteint dans la zone de la tumeur (stade III). Ces malades sont exposés à un très haut risque de rechute et surtout d’apparition de métastases. Pour la première fois, une étude parue en 2017 dans le New England Journal of Medecine a montré que l’administration « en traitement adjuvant » de nivolumab permet une diminution significative du taux de rechutes. Il en est de même lorsque l’on traite de tels patients à risque, atteints d’une tumeur avec mutation BRAF par des thérapies ciblées (dabrafenib/trametinib) : le risque de rechute est réduit de plus de 50 %.

C’est dans ce cadre que la technique du ganglion sentinelle prend toute sa valeur puisqu’elle permet une évaluation du pronostic, utile pour décider de l’opportunité d’un traitement adjuvant. Mais il ne faut plus faire suivre la découverte d’un ganglion sentinelle positif par un curage, intervient C Lebbé. Cela n’influe pas sur la survie globale, ainsi que l’a montré une étude, également publiée en 2017 dans le New England Journal of Medecine : pour les 1 939 patients avec ganglion sentinelle positif,  il n’ y a pas eu de différence de mortalité entre ceux qui ont eu un curage et ceux qui ont bénéficié d’une simple surveillance.

Beaucoup de défis restent posés pour les prochaines années a conclu le Pr Lebbé : mieux définir les besoins des patients en matière de traitement grâce aux biomarqueurs et aux recherches de mutations, un domaine en plein essor, trouver de nouvelles cibles thérapeutiques, assurer une prise en charge « proactive » des effets secondaires. Patients, familles et médecins s’accordent pour prolonger la vie mais encore faut-il que ce soit une survie de bonne qualité. Le maintien d’une activité au sens large est essentiel ainsi que le soutien des proches. Jusqu’à 41 % des malades ont recours aux traitements alternatifs (suppléments, médecine chinoise, herbes, relaxation, prière, méditation.) Cela veut dire que les patients veulent être acteurs dans la prise en charge de leur maladie. Ils se regroupent en association, prennent la parole. Médecins et chercheurs doivent les écouter.

Dr Marie-Line Barbet

Lebbé C : Quoi de neuf en oncodermatologie. Communication aux Journées dermatologiques de Paris. 16 décembre 2017.

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