Octobre 2016 – Afin d’assurer aux malades atteints de mélanome la meilleure prise en charge possible, les sociétés savantes émettent des recommandations qui sont réactualisées régulièrement au gré des progrès de la science. La dernière mise à jour pour la France vient d’être proposée par une équipe de dermatologistes pratiquant dans tout le pays. Elle apparaît d’autant plus nécessaire que les traitements varient encore beaucoup en fonction des praticiens et des établissements de soin.
Selon les directives du plan Cancer, le cas de tous les patients avec un mélanome, y compris les moins « graves » (mélanome in situ) devrait être discuté dans un réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) à laquelle participent entre autres dermatologiste, oncologue, chirurgien, anatomopathologiste et à l’issue de laquelle un plan personnalisé de soin est remis au malade. Or, il est loin d’en être toujours ainsi.
Les principales divergences dans la prise en charge concernent la taille de la marge à respecter autour du mélanome lorsqu’ on l’enlève chirurgicalement, la pratique ou non d’une biopsie du ganglion sentinelle (c’est-à-dire du principal ganglion lymphatique situé dans le territoire « qui draine » la tumeur), les examens complémentaires, le suivi des patients, les traitements adjuvants éventuels.
Les nouvelles recommandations dont il s’agit ici concernent les mélanomes de l’adulte de stade I à 3 (stade 1 : 1 mm d’épaisseur au plus sur l’examen au microscope et pas de métastase ; stade 2 ; plus de 1 mm sans aucune métastase ; stade 3 au moins un ganglion atteint). L’analyse de toutes les études faites depuis une dizaine d’années sur le mélanome a permis de modifier certains dogmes.
Ainsi, les marges d’exérèse recommandées sont les suivantes ; 0,5 cm pour les mélanomes in situ (moins de 0,1 mm d’épaisseur), 1 cm pour les mélanomes de 0,1 mm à 1 mm, de 1 à 2 cm pour les mélanomes de 1,1 mm à 2 mm, de 2 cm pour les mélanomes de plus de 2 mm. En effet il n’est pas apparu qu’une marge de plus de 2 cm dans les mélanomes épais (plus de 2 mm) tel qu’on le proposait auparavant procurait un avantage significatif.
De même en ce qui concerne la biopsie du ganglion sentinelle, la revue des différents travaux montre que cette technique n’apporte pas de réel bénéfice au malade sur le plan thérapeutique mais qu’elle permet de mieux préciser le pronostic. Cette procédure ne saurait être en tout cas proposée aux patients avec un mélanome de moins de 1 mm. Pour les tumeurs plus épaisses, elle reste optionnelle et le malade peut décider en accord ou non avec son médecin de s’y soumettre. Si la biopsie est faite, elle peut déboucher, lorsqu’ elle est positive, sur un curage ganglionnaire (retrait de tous les ganglions dans le territoire de la tumeur) qui peut être fait immédiatement ou en cas de rechute. En aucun cas il ne devrait être fait de curage systématique dans les mélanomes de stade 1 et 2.
Le seul traitement adjuvant actuellement reconnu est l’interféron essentiellement pour les patients atteints de mélanome à haut risque de récidive (stade 3.) Là encore le bénéfice est discutable.
Cependant, il y a actuellement de multiples avancées thérapeutiques en cancérologie avec la mise au point de thérapies ciblées et de molécules d’immunothérapie, qui pourraient révolutionner le traitement du mélanome à haut risque et qui sont proposés à de nombreux patients dans le cadre d’essais thérapeutiques. Ainsi, il a été montré que la prise d’ipilimumab (un anticorps monoclonal) pouvait allonger notablement le délai avant la récidive chez les patients atteints de mélanome de stade 3, sans qu’il y ait toutefois malheureusement une diminution globale de la mortalité.
Enfin, les recommandations pour le bilan initial dépendent de la gravité du mélanome :
Stade 1 : examen de toute la peau et des aires ganglionnaires, pas d’examen complémentaire;
Stade 2 : examen de toute la peau et des aires ganglionnaires, échographie de l’aire ganglionnaire « drainant » la tumeur;
Stade 3 : examen de toute la peau et des aires ganglionnaires, Tomographie d’émission de positon (TEP) au 18 FDG couplée au scanner ou scanner thoraco-abdomino-pelvien et cérébral.
Le rythme des consultations de suivi est également fonction du stade de la tumeur : tous les 6 mois pendant trois ans (puis tous les ans à vie) pour les mélanomes de stade 1 ; tous les 3 à 6 mois avec échographie pendant trois ans puis une fois par an pour les mélanomes de stade 2 ; pour les mélanomes de stade 3, 4 fois par an pendant trois ans, deux fois par an au cours des deux années suivantes puis à vie, échographie ganglionnaire tous les trois à 6 mois et autres examens de radiologie une fois par an pendant 3 ans. Globalement le « suivi intensif » est de plus courte durée qu’auparavant (5 ans) mais avec davantage d’examens notamment échographiques.
Dr Marie-Line Barbet
Guillot B et coll. : Actualisation des recommandations de prise en charge du mélanome stades I à III. Ann Dermatol Venereol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.07.001