Juin 2015 – Alors qu’il peut être guéri par une simple intervention chirurgicale quand il ne s’agit que d’une tumeur de faible épaisseur, le mélanome malin plus avancé peut se compliquer de métastases d’abord ganglionnaires puis au niveau de différents organes. Pendant longtemps les traitements disponibles étaient peu ou pas efficaces à ce stade, mais au cours des dernières années, des progrès considérables ont été accomplis avec la mise au point de nouvelles molécules. Deux approches ont été privilégiées : les thérapies ciblées sur des anomalies des cellules cancéreuses et l’immunothérapie (avec des anticorps monoclonaux) visant à augmenter les performances du système immunitaire pour détruire la tumeur.
C’est dans ce dernier cadre que s’inscrit la mise au point d’un vaccin thérapeutique à laquelle s’attellent les chercheurs depuis quelques années.
Un vaccin thérapeutique n’est pas destiné comme un vaccin préventif à empêcher la survenue d’une maladie, mais il a pour but de fournir à l’organisme les moyens de lutter contre elle. Les dernières recherches dans ce domaine se sont attachées, depuis 2013, à élaborer un vaccin « personnalisé » pour chaque patient, c’est-à-dire ciblant spécifiquement certaines caractéristiques de sa tumeur.
Premier aboutissement de ces travaux, une équipe de l’université de Saint-Louis aux Etats Unis vient de publier les résultats, encourageants, d’un essai de vaccin thérapeutique personnalisé chez trois patients souffrant d’un mélanome avancé, à haut risque de récidive, qui avaient été opérés et traités par un anticorps monocolonal, l’ipilimumab.
Schématiquement, il s’est agi pour élaborer ce vaccin, de détecter les protéines « exprimées » à la surface des tumeurs, (conséquence des mutations qui se produisent au niveau de l’ADN des cellules devenant cancéreuses) et qui sont spécifiques à chaque tumeur, de déterminer celles capables de déclencher les plus fortes réactions immunitaires, puis de les synthétiser de façon à préparer le vaccin. L’injection par voie sanguine de ce dernier est supposée aboutir à stimuler la production des cellules du système immunitaire dédiées à la destruction des cellules portant ces protéines : les lymphocytes T CD8 cytotoxiques lesquels seront alors spécifiquement orientés sur l’élimination des cellules tumorales du patient.
La justesse de cette théorie a pu être vérifiée auprès des trois patients étudiés
Après trois séries d’injections sur vingt semaines, les chercheurs ont pu constater sur les bilans sanguins, une augmentation effective de la réponse immunitaire avec la présence de lymphocyte T spécifiques des « néoantigènes ». Les trois patients sont en rémission et il n’y a pas eu d’effets secondaires.
Il est sans doute trop tôt pour envisager une utilisation à large échelle de ce type de vaccin et de nombreuses inconnues restent à résoudre. Mais ces premiers résultats vont conduire à un nouvel essai clinique (approuvé par la Food and Drug Administration FDA, la haute autorité de santé aux Etats Unis) qui devrait inclure six patients. « C’est un pas important dans l’immunothérapie personnalisée, qui pourrait être appliquée à d’autres tumeurs malignes qui ont des taux élevés de mutations comme les cancers colorectal, du poumon ou de la vessie », souligne Beatriz Carreno, directrice des travaux.
Dr Marie-Line Barbet
Carreno BM et coll. : A dendritic cell vaccine increases the breadth and diversity of melanoma neoantigen-specific T cells. Science, 348: 803-8.doi:10.1126/science.aaa3828, 2015.