Campagne contre le mélanome : Changement de stratégie….

Oct 13, 2014

Octobre 2014 – Le mélanome est considéré comme l’un des cancers les plus accessibles à la prévention. L’exposition au soleil et en particulier les coups de soleil étant le facteur de risque de ces tumeurs sur lequel on peut agir, la plupart des campagnes de par le monde sont axées essentiellement sur la protection contre les UV. Mais atteignent-elles leur but en termes de réduction de la fréquence des mélanomes ?


En Australie qui a accueilli depuis des décennies beaucoup d’immigrants à peau claire (venus essentiellement des îles britanniques), se défendant mal contre les méfaits du soleil, le mélanome malin pose un problème de santé publique majeur : en 2011, en Australie-occidentale, il se plaçait en troisième position en terme de fréquence parmi tous les cancers (en première pour les hommes de 15 à 39 ans et en seconde derrière le cancer du sein pour les femmes du même groupe d’âge) et était au 4ème rang des causes de décès.  Or, malgré les campagnes de prévention recommandant de se protéger du soleil, la fréquence du mélanome n’a que très légèrement diminué entre 2000 et 2011. Pire l’épaisseur des mélanomes (dont dépend largement le pronostic) mesurée sur les tumeurs enlevées par chirurgie a un peu augmenté sur la même période.

Ceci suggère un relatif échec des campagnes actuelles…et justifie de changer de stratégie. Le dépistage systématique aurait pu être une option mais les autorités de santé publiques en Australie comme ailleurs considèrent qu’il serait inutile et trop coûteux.  Il est vrai qu’il a été constaté que la moitié des cas de mélanomes en Australie concernent un peu moins d’un cinquième (16 %) de la population regroupant les personnes avec un nombre élevé de naevus, ayant passé beaucoup de temps à l’extérieur entre l’âge de 10 et 24 ans, dont certains membres de la famille ont eu un mélanome ou un cancer de la peau non mélanique et qui sont arrivés en Australie avant l’âge de dix ans.

Ainsi, à côté des campagnes actuelles privilégiant la protection solaire,  une campagne de santé publique ciblée sur les populations à risque (par exemple les sujets ayant beaucoup de naevus et des antécédents familiaux de mélanome) pourrait faire davantage prendre conscience des risques et augmenter le taux de détection des mélanomes à un stade précoce, ce qui diminuerait la mortalité liée à ce cancer.

Une étude menée en Australie confirme l’importance de ces deux facteurs de risque (nombre de naevus, antécédents). Elle a repris les dossiers de 378 patients atteints de mélanome entre 2004 et 2008. Parmi eux 70,9 % avaient été victimes de coups de soleil, 40,2 % avaient de nombreux naevus (plus de 20), et 22,5 % des antécédents familiaux de mélanome (un parent au premier ou deuxième degré ayant ou ayant eu un mélanome).

Si l’exposition solaire et les coups de soleil restent au premier plan (justifiant la base des campagnes actuelles) il convient de remarquer que des mélanomes surviennent aussi chez des personnes à peau foncées, et/ou qui n’ont jamais eu de coups de soleil ou encore sur des régions du corps qui ne sont jamais exposées au soleil.

Le soleil est coupable, mais il n’est pas le seul… Pour diminuer la fréquence des mélanomes et favoriser leur détection précoce afin de réduire la mortalité liée à ce cancer, il conviendrait, en l’absence de dépistage systématique, d’orienter les campagnes non seulement vers la protection solaire pour tous mais aussi alerter sur les dangers particuliers encourus en cas de nombreux naevus et d’antécédents familiaux de mélanomes.

Dr Marie-Line Barbet

Williams C et coll. : Melanoma : a new strategy to reduce morbidity and mortality. Aus Med J., 2014; 7: 266-271.