Dépistage du mélanome, vous avez dit intelligence artificielle ?

Nov 10, 2022


Septembre 2022 – Du fait notamment du vieillissement de la population, la fréquence des cancers
cutanés est en constante augmentation jusqu’à 10 % par an par exemple pour les cancers
kératinocytaires (carcinomes basocellulaires et épidermoïdes). Les mélanomes restent plus rares
mais ils sont responsables de plus de 95 % des décès liés aux cancers de la peau.
Différentes stratégies sont développées pour assurer le diagnostic des mélanomes à un stade
précoce notamment dans le but de réduire le coût de la prise en charge de ces tumeurs, nettement
moindre quand elles sont débutantes. Les dermatologistes sont certainement les mieux équipés et
les mieux entrainés pour une détection des cancers à ce stade mais malheureusement le trop faible
nombre de praticiens de cette spécialité surtout dans certains pays et régions est un obstacle à un
dépistage satisfaisant en dépit du développement et de l’efficacité de la télédermatologie.
Un autre outil possible est l’intelligence artificielle. Une équipe israélienne en a fait la démonstration.
Ses membres ont développé une application compatible avec Android et iOs. Sa mise en œuvre
consiste dans un premier temps à prendre plusieurs photos : avec deux cadrages l’un à 50 cm autour
de la lésion à diagnostiquer, l’autre à 10 à 15 cm et enfin si possible une photo « au travers du
dermatoscope » (le dermatoscope est un instrument permettant de visualiser la lésion avec un plus
fort éclairage et grossissement, il est adaptable sur un appareil photo y compris un smartphone).
D’autres informations sont emmagasinées sur l’appli : délai écoulé depuis l’apparition de la lésion,
symptômes associés (saignement, démangeaisons, évolution), âge, couleur de la peau,
comportement face au soleil, état de santé général, antécédents familiaux et personnels etc….
Les photographies obtenues peuvent alors être analysées grâce à un logiciel d’intelligence artificielle
élaboré à partir de plusieurs milliers d’images de cancers de la peau (en dermatoscopie ou non)
capable de reconnaître un mélanome et d’autres tumeurs cutanées malignes avec une sensibilité
proche de 100 %.
Une expérimentation de ce système a été menée entre juillet 2010 et décembre 2020 au Brésil (un
pays de 212 millions d’habitants avec des dermatologistes dans seulement 9 % des villes et au moins
6 mois d’attente pour un rendez-vous). Des médecins généralistes ont utilisé l’appli pour des patients
de plus de 18 ans chez lesquels ils suspectaient un cancer de la peau. La réponse après analyse par
l’intelligence artificielle confirmait ou non cette suspicion. Dans le premier cas, il était conseillé
d’adresser à un dermatologiste ou de procéder à une intervention pour enlever la lésion
chirurgicalement et la faire analyser, dans le second cas une surveillance avec réévaluation dans
l’année suivante était indiquée.
Il semble donc possible par cette méthode de distinguer, en médecine générale et avec un bon
niveau de performance, les patients qui ont vraisemblablement un mélanome et donc de les prendre
en charge efficacement. Tout comme il est possible d’identifier ceux qui n’ont pas ce cancer de la
peau en leur évitant des interventions et démarches inutiles. Il est vraisemblable que ce type d’outil
peut rendre de grands services dans les pays où le dermatologiste se fait rare…

Dr Marie-Line Barbet

Giavina-Bianchi M, de Sousa RM, Paciello VZdA, Vitor WG, Okita AL, Prôa R, et coll. : Implementation
of artificial intelligence algorithms for melanoma screening in a primary care setting. PLoS ONE
202116(9): e0257006.