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Carcinomes cutanés : rencontre avec un autre type de photoprotection

Décembre 2021 – Les carcinomes cutanés « kératinocytaires », représentés par les carcinomes basocellulaires et les carcinomes épidermoïdes, sont les plus fréquents des cancers. Leur développement est étroitement lié à l’exposition aux UV (soleil et UV artificiels), lesquels sont presque entièrement absorbés par les cellules de l’épiderme. Ils y entraînent immunosuppression, inflammation, dégradation de l’ADN, stress oxydatif et d’autres phénomènes qui conduisent à la formation et à la progression de tumeurs cancéreuses et que l’on désigne sous le terme de photocarcinogénèse. 

On dispose de différents composés ayant des capacités protectrices vis-à-vis des effets délétères des UV, mises en évidence sur des modèles animaux mais aussi chez l’homme. 

Ainsi, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui sont parmi les médicaments les plus prescrits au monde pour lutter contre la douleur, se montrent capables de réduire le nombre de kératoses actiniques (lésions précancéreuses) et de cancers kératinocytaires mais ils exposent malheureusement à des effets secondaires d’un autre ordre lorsqu’ils sont utilisés au long cours (ulcères gastriques, hypertension, insuffisance rénale…) La metformine, un médicament habituellement prescrit dans le traitement du diabète protège les cellules de l’épiderme (autrement dit les kératinocytes) de l’inflammation induite par les UV, et réduit le stress oxydatif de telle sorte qu’on a pu constater dans certaines études une diminution du risque de carcinomes cutanés pour les patients traités par cette molécule.  

Une autre cible possible de la prévention du cancer cutané est représentée par les récepteurs aux estrogènes dont l’un, qui a une action antitumorale, tend à disparaître aux abords des tumeurs cancéreuses. Un médicament, le prinaberel est actuellement testé chez l’animal dans la photo prévention : il semble qu’il peut rétablir la présence de ce récepteur et là encore réduire le risque de cancer. Les estrogènes issus des plantes (phytoestrogènes) pourraient avoir le même effet. 

Enfin, le carvédilol, traitement bien connu de l’hypertension, aurait un impact sur la carcinogénèse en ce qu’il peut « réparer » les dégradations de l’ADN induite par les UV. 

Mais en dehors des produits de l’industrie pharmaceutiques connus ou moins connus, certaines substances d’origine végétale ne sont pas sans susciter quelque espoir pour la prévention des carcinomes cutanés. 

Par exemple les polyphénols du thé vert et plus encore du raisin (resveratrol, proanthocyanide) sont susceptibles de réduire certains des dégâts épidermiques induits par les UV (dont la dégradation de l’ADN). Polypodium leucotomos, plante d’Amérique du Sud riche en polyphénols intéresse aussi beaucoup les chercheurs pour les mêmes raisons. Mais framboises, grenades, mûres ne sont pas en reste. Toutes renferment beaucoup de polyphénols qui administrés ou appliqués sur des souris réduisent les processus de photocarcinogénèse. Des études sont encore nécessaires pour vérifier leur potentialité chez l’homme. 

Le monde des plantes a donc beaucoup à offrir pour se protéger du cancer de la peau, de manière sans doute moins coûteuse et peut-être moins à risque d’effets secondaires.

Troisième domaine où puiser des ressources pour la prévention de la photocarcinogénèse : les vitamines. 

La vitamine A (ou rétinoïde) est par essence la vitamine de la peau ; on la trouve naturellement dans les plantes caroténoïdes, les œufs, le foie de certains animaux. Mais bien qu’elle réduise le stress oxydatif et les dégradations de l’ADN, ses capacités à diminuer le risque de cancer ne sont pas établies, c’est même l’inverse dans certains travaux. Pour autant, dans quelques études, le risque de carcinome épidermoïde a été trouvé diminué grâce à une alimentation riche en rétinol (vitamine A) ou une supplémentation en rétinol. Mais l’on n’en sait probablement pas encore suffisamment sur le rôle que pourrait occuper les rétinoïdes dans la photoprotection. 

La vitamines B3 dont la nicotinamide ou l’acide nicotinique, trouvées dans le poisson, la viande, l’avoine favoriserait la réparation de l’ADN endommagé par les UV et préviendrait l’inflammation que ceux-ci provoquent. Les essais cliniques sur une supplémentation avec cette vitamine mettent en évidence une diminution du nombre de kératoses actiniques en 4 mois mais au prix de certains effets secondaires (infections). 

La vitamine C joue un rôle essentiel dans le maintien de l’intégrité de la barrière épidermique. Elle a des propriétés « anti oxydantes » ce qui devrait lui permettre théoriquement de diminuer les lésions liées à l’exposition aux UV. Mais là encore les essais cliniques ne sont pas parvenus à démontrer l’effet photoprotecteur pressenti de la vitamine C. Les chercheurs examinent actuellement l’intérêt de combiner vitamine C et autres composés et en particulier la vitamine E (tocoférol). Pour cette dernière, bien qu’elle ait également des propriétés potentiellement utilisables dans la photoprotection, les essais cliniques ne sont pas non plus concluants. Mais la combinaison vitamine C et vitamine E semble beaucoup plus prometteuse. 

La vitamine D (cholécalciférol) est produite dans l’épiderme sous l’effet…d’une exposition aux UV, l’alimentation en apportant fort peu. Or il se trouve que des essais menés avec cette vitamine administrée à différentes doses ont fait apparaître son action protectrice vis-à-vis des méfaits cutanés du soleil.  

A côté du port de vêtements, de l’application de crème solaire et de la recherche de l’ombre, la prise de certaines substances, médicamenteuses ou alimentaires, est donc susceptibles d’empêcher ou de protéger des dégradations provoquées dans la peau par les UV, dégradations qui peuvent conduire à la formation de cancers cutanés. Il s’agit d’un domaine en pleine exploration, loin d’avoir livré tous ses secrets

Dr Marie-Line Barbet

Pihl C et coll. : Keratinocyte Carcinoma and Photoprevention: The Protective Actions of Repurposed Pharmaceuticals, Phytochemicals and Vitamins. Cancers (Basel). 2021; 13(15):3684. doi: 10.3390/cancers13153684.

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